Ces dernières semaines, Ariel Henry continue de clamer que des élections seront bientôt tenues dans notre pays. Un discours qui nous rappelle celui de feu Jovenel Moïse qui ne cessait de répéter que les élections présidentielles et législatives, c’est pour bientôt. Au final, Moïse est parti en laissant un pays décapité. Aujourd’hui, la situation sécuritaire dans notre pays est telle, qu’il est difficile de pronostiquer une date précise pour un retour aux urnes. Et les choses ne semblent pas aller dans le bon sens!
Tout est à reconstruire
Il n’est pas exagéré de dire que notre pays est actuellement en ruine, aussi bien sur le plan politique que sur le plan des infrastructures. Tout est à reconstruire. Nos dirigeants ont pris soin de détruire et de piller méthodiquement tout ce qui pouvait l’être, laissant derrière eux misère, tristesse et désarroi. Difficile de blâmer un dirigeant en particulier tant ils se ressemblent tous. De Michel Martelly à Aristide en passant par Ariel Henry, les Présidents successifs ont perpétué une tradition néfaste, celle du clientélisme et de la corruption organisée.
Aujourd’hui, tous les regards sont tournés vers les gangs qui sèment la terreur et le désordre en Haïti, mais il ne faut pas oublier que nos dirigeants ne valent pas mieux. En effet, si nous nous retrouvons en 2022 dans un pays aussi instable, c’est en grande partie à cause de tous ces dirigeants qui ont fait passer leurs propres intérêts avant celui de la nation qu’ils étaient censés défendre. De sorte qu’on se retrouve sans parlement, ni même gouvernement légitime. Or, le parlement est l’institution par excellence qui porte la voix des citoyens. Autant dire que cela fait un bon moment que les Haïtiens sont réduits au silence.
De son vivant, Jovenel Moïse a voulu tout reprendre de zéro, en commençant par la constitution qui devait, selon lui, être revisitée. Un nettoyage en profondeur qui n’a pas été du goût de certains hommes d’influence, ces derniers s’étant habitués à leur zone de confort où la corruption et l’affairisme règnent en maîtres. C’est le fameux ‘système’ où hommes politiques corrompus, hommes d’affaires et milices se partagent le ‘gâteau haïtien’ entre eux. Ce système détient le pouvoir et l’argent, les deux éléments indispensables pour contrôler un pays. Cela explique pourquoi la population haïtienne a autant de mal à faire entendre sa voix. Le pire est que les puissances étrangères ont elles aussi abandonné Haïti à son sort au lieu de l’aider à sortir de cette mauvaise passe.
Ariel Henry, le dirigeant absent
Officiellement, Ariel Henry est le Premier ministre d’Haïti. Officieusement, c’est une marionnette aux mains de puissances étrangères et de groupes d’influences qui continuent de piller notre pays des dernières richesses qui restent. Dernièrement, Ariel Henry a donné un discours à l’occasion du premier anniversaire de son intronisation. Il a ainsi pu dresser un tableau sur la situation sombre que traverse notre pays, notamment sur le plan sécuritaire. Un discours qui intervient au moment où les gens battent le pavé pour protester contre l’inflation et la violence des gangs, alors que le carburant connaît à nouveau une grave pénurie conjuguée à une explosion des prix.
À ceux qui l’accusent de s’accrocher au pouvoir, Ariel Henry a rétorqué qu’il avait l’intention de lancer le début de la campagne électorale avant la fin de l’année, soit dans les 4 prochains mois. Comment peut-il faire une telle promesse alors que tout le monde sait pertinemment que la situation dans notre pays est désastreuse et ne permet même pas d’organiser le moindre meeting électoral dans de bonnes conditions. Au lieu d’être honnête et d’avouer son impuissance, Ariel Henry continue de faire des promesses auxquelles lui-même ne croit pas. C’est là une preuve qu’il cherche à gagner du temps pour rester le plus longtemps possible en poste, confirmant ainsi les reproches de ses détracteurs.
En effet, s’il voulait véritablement organiser des élections, il devrait commencer par mettre en place un conseil électoral (CEP) pour superviser lesdites élections, conseil qui a été dissout par Ariel Henry dès sa nomination. De plus, le Premier ministre déclare que la campagne électorale pourra débuter avant la fin de l’année, alors que plusieurs experts internationaux, notamment américains, affirment qu’il faudrait au minimum 6 mois pour qu’un organe comme le CEP puisse organiser des élections transparentes.
Autant dire qu’Ariel Henry n’est pas l’homme de la situation et ne semble pas mesurer la taille du défi. Si Jovenel Moïse gouvernait à l’époque par décrets, l’actuel Premier ministre… ne gouverne tout simplement pas et laisse le pays d’auto-gérer.
Quelles solutions pour organiser des élections au plus vite
Les Haïtiens sont unanimes pour dire que la classe politique actuelle est incompétente et ne pourra certainement pas organiser des élections libres et transparentes dans un avenir proche. Il faudrait donc commencer par écarter ces politiciens véreux qui attendent la moindre opportunité pour s’accaparer le pouvoir et y rester aussi longtemps que possible. L’organisation d’élections en Haïti devrait passer par un organisme neutre, tel que les Nations-Unies, pour que tout le monde soit mis au même pied d’égalité.
Il faudra également impliquer les Haïtiens de la diaspora qui disposent d’un savoir-faire certain dans la gestion de la chose publique, et sont plus familiers avec la bonne gouvernance contrairement aux politiciens ‘locaux’ qui baignent dans la culture de la corruption et des magouilles depuis des décennies. L’autre avantage des Haïtiens de la diaspora, c’est qu’ils sont restés loin des influences néfastes, notamment celui des milieux des affaires. Pour reconstruire notre pays, il faudra repartir sur des bases saines, autrement, on va vite retomber dans les mêmes problèmes.
Reste le problème de l’insécurité et des gangs. En effet, tant que les réseaux criminels continueront à proliférer dans notre pays, il sera difficile d’organiser des élections. Là encore, un appui étranger est nécessaire pour renforcer la Police nationale (PNH) qui n’arrive pas à tenir face à des gangs de mieux en mieux armés. Le fait de remobiliser la police donnera confiance à la population qui aura à cœur de l’aider pour combattre les gangs. Car au final, c’est le peuple haïtien qui reste le premier concerné par ce qui se passe en Haïti. C’est lui qui subit les enlèvements et la misère au quotidien. Et pour que ce peuple puisse changer les choses, il faut lui donner les moyens d’exprimer ses choix, c’est-à-dire organiser des élections!
Dessalines Ferdinand
Le Floridien, 15 septembre 2022