SUNNY ILES (Le Floridien) – Près d’une dizaine de personnalités ont été honorées le samedi 12 octobre 2019 pour leurs énormes contributions dans le domaine de la musique compas, lors de la soirée Tabou Combo – Skah Shah (de Cubano), baptisée pour l’occasion « Bal des Géants – Bal de Souvenir ». La cérémonie s’est déroulée au luxueux Ramada Marco Polo Resort, dans la ville Sunny Isles, comté de Miami-Dade.

L’événement au cachet socioculturel particulier, et qui était initialement prévu pour le weekend du Labor Day en septembre dernier, a été reporté au week-end dernier en raison de l’ouragan Dorian qui menaçait les côtes sud-est des États-Unis.

À travers ce geste à la symbolique forte, les principaux organisateurs Bazile Jean Berthol (Mizik Depot Productions), Livincoeur Sevère (Xplosion Productions), Dòlf Chancy et Raynald Blanchard, voulaient surtout faire montre d’appréciation et de reconnaissance à l’égard des prestigieux invités qui ont marqué de leur empreinte le monde du compas grâce à leur apport inestimable.
Parmi les personnalités conviées ce soir-là, on trouve d’anciens musiciens partis à la retraite et qui ont marqué des générations entières avec leurs compositions d’anthologie. On parle ici de l’ex- chanteur Giordani Joseph de l’orchestre Tropicana, l’ex-batteur et membre fondateur de la défunte formation Skah Shah #1, Arsène Apollon, l’ex-chanteur Alliance Casimir (Frères Déjean), le promoteur Alix Timer de Maxi Sound Productions, Fabrice Polynice, aka DJ Paz (Radio Touche Dous), Gary Rezil (ex-guitariste Tabou Combo et Skah Shah #1), Jean Baptiste Pierre alias Baba, ancien maestro du groupe Scorpio Fever, et Fritz Piard, mieux connu sous le nom de Picot (du nom de sa compagnie de transport Picot Evolution Compas). Chacun des convives cités a reçu une plaque d’Appréciation sous les applaudissements nourris d’une belle audience qui avait fait le déplacement spécialement pour l’occasion. Ces personnalités honorées ont surtout reçu des remerciements pour leur contribution majeure dans leur domaine, d’autant plus qu’ils ont beaucoup donné pour perpétuer le compas et marquer au fer rouge leur attachement à cette musique.

La soirée a démarré peu avant 11 heures avec un premier set de quatre chansons exécuté par le Skah Shah (de Cubano). Tabou Combo a ensuite assuré la relève pour exécuter six morceaux tirés de son riche répertoire. Avec tout son cortège de musiciens originaux, dont Shoubou, Herman Nau, Yvon André dit Kapi, Jean Claude Jean, la formation cinquantenaire a mis la barre de l’ambiance très haut pour attirer les invités sur la piste de danse. Jouant allègrement plusieurs de ses anciens morceaux, Tabou a prouvé qu’il était là pour rester, surtout avec l’accompagnement de jeunes cadres comme le chanteur Papito (transfuge de l’Orchestre Septentrional) et le batteur Rudy Nau (fils du batteur original Herman Nau), ainsi que le saxophoniste Jean Caze.

La prestation de Tabou Combo a été suivie par la remise de plaques d’Appréciation. Les personnalités honorées ont profité de ce cérémonial d’hommages pour remercier l’équipe organisatrice. Ils ont ouvert leur cœur et confié aux spectateurs présents dans la salle à quel point ils étaient touchés par ce grand geste de reconnaissance à leur égard. Émus par cette attention, ils ont encouragé ce genre d’initiatives envers les anciens qui ont tant donné, espérant que les promoteurs vont continuer à rendre justice à toutes ces personnalités qui ont marqué la musique compas afin qu’elles ne tombent pas dans l’oubli et l’indifférence. C’est aussi une façon de transmettre le flambeau aux générations futures, puisque ce genre de cérémonies d’hommage permet aux jeunes de rencontrer des légendes vivantes dont ils avaient beaucoup entendu parler.

Le plus âgé des artistes présents, Giordany Joseph, né Pierre Féquière Joseph le 17 octobre 1937 à Terrier- Rouge au Nord d’Haïti, était l’invité d’honneur de cette affiche qui réunissait sur le podium la formation Tabou Combo au grand complet ainsi que la formation ‘Skah Shah’, dont le chanteur Jean Elie Telfort alias Cubano était la seule figure emblématique du groupe original.

Parti à la retraite depuis plusieurs années, le virtuose surnommé «Gros Monsieur», et qui célèbre cette semaine son 82ème anniversaire, a passé environ cinq décennies dans la ligne avant de l’Orchestre Tropicana qu’il intégra en mars 1968, suite à la disparition de l’orchestre Citadelle du Nord au sein duquel il avait fait ses premières armes dans le monde compas après de courtes expériences ça et là. Une fois qu’il intégra le légendaire orchestre, Giordany se distingua avec les chansonnettes françaises, les boléros et spécialement les pots-pourris. Pour la petite histoire, son premier pot-pourri était « solamente una vez ». Parmi les grands chanteurs capois, Giordany était une référence sûre, d’autant plus que sa voix remplissait l’orchestre dans tous ses compartiments. Il était devenu un chanteur de charme avec ses chansonnettes françaises et ses boléros, et dont lui seul avait le secret. Parolier extraordinaire au style unique, il a ajouté au répertoire de Tropicana des pièces mémorables comme : «Rosemarie», «Marie Madelaine», «Rosie et «Philomise», des compositions que Charlemagne Pierre-Noël et Daniel Larivière avaient orchestrées. Son texte de prédilection était «Le Nègre», arrangé par le professeur Jean Janvier Muselaire.

«C’est un plaisir pour moi d’être présent ici ce soir pour recevoir cette distinction. Je suis d’autant ravi de revoir d’anciens amis, de savoir que ceux-là, les jeunes en particulier, qui n’avaient pas eu la chance de me voir évoluer sur scène, sont aussi heureux de me reconnaître, » a déclaré Giordany Joseph.

Remerciant les organisateurs, en particulier Bazile Jean Berthol, pour ce geste mémorable de reconnaissance à son endroit, l’ancien chanteur a brièvement rappelé sa longue carrière au sein de l’orchestre qui l’a rendu populaire, n’oubliant pas de demander au passage au public présent une salve d’applaudissements pour son ancienne formation musicale.

Le moment le plus marquant de son intervention fut lorsqu’il exécuta quelques notes vocales de deux de ses chansons à succès : « Les gens du Nord » et « Rosie ». Le public heureux s’emballa d’une seule voix avec l’ancien chanteur qui est aujourd’hui gêné par la maladie – sa mobilité réduite l’empêche de se déplacer sans canne.

Le groupe Skah Shah (de Cubano) est ensuite revenu sur le podium pour animer le set final de la soirée. Toujours en bon meneur de jeu, le chanteur Jean Elie Telfort, accompagné de plusieurs musiciens chevronnés, a fait le choix de ressortir ses plus beaux morceaux afin de mettre la soirée dans le bon tempo, même si on pouvait entrevoir dans le public certains regards nostalgiques de la belle époque. Les nombreuses compositions interprétées n’ont pas manqué d’attirer les invités sur la piste de danse qui ne se sont pas fait prier pour se trémousser et profiter du moment. Jouant allègrement d’anciens hits comme « Ayiti » ou « Caroline » qui ont marqué l’histoire de ce groupe compas, les musiciens ont su dans l’ensemble faire preuve d’un grand professionnalisme sur scène.

On ne peut que louer l’initiative prise pour organiser cette agréable soirée qui fut, somme toute, une belle réussite. À l’issue de la cérémonie, tout le monde est reparti ravi et satisfait d’avoir passé un bon moment. Les personnalités honorées ont pu se rendre compte qu’on ne les avait pas oubliées et qu’on continuait à les apprécier. Le public quant à lui a su répondre présent, une belle façon de montrer leur appréciation envers ces honorés et partager avec eux un moment de joie et d’allégresse.

Dessalines Ferdinand

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