Il l’avait promis, il l’a fait. Quelques mois à peine après son entrée à la Maison-Blanche, Biden multiplie les gestes envers la communauté haïtienne pour lui montrer qu’il n’a nullement oublié les promesses faites à Little Haïti. Ainsi, après avoir signé un décret pour empêcher les déportations d’immigrants illégaux, un décret qui depuis a été contourné par plusieurs juges conservateurs, l’administration Biden vient à nouveau de lancer un signal fort envers la communauté haïtienne en prolongeant de 18 mois le fameux TPS, le Temporary Protected Status.

Ainsi, des dizaines de milliers de migrants haïtiens vivant aux États-Unis sans statut juridique se voient accorder une forme de résidence provisoire, ce qui les protège de toute éventuelle déportation comme on a pu en voir ces dernières semaines. D’après Alejandro Mayorkas, le patron du Department of Homeland Security (DHP), une agence créée par George Bush au lendemain des attentats du 11 septembre, il est inhumain d’expulser des Haïtiens en ce moment alors que leur pays d’origine, Haïti, connaît de graves problèmes de sécurité, de pauvreté et de troubles sociaux.

Cette empathie envers les Haïtiens tranche avec l’insensibilité glaçante de Trump qui avait refusé de prolonger le TPS et avait donné 18 mois aux Haïtiens sans-papiers pour quitter le territoire américain. Mieux, une fois élu, Trump n’a jamais daigné envoyer un responsable de haut rang pour s’enquérir de la situation des Haïtiens de Floride, alors qu’il leur avait promis d’être le meilleur Président qu’ils n’ont jamais connu. Qu’à cela ne tienne, l’essentiel est de retenir les leçons du passé pour qu’elles ne reproduisent pas. Et Biden semble prendre la direction opposée de son prédécesseur en multipliant les signes de bienveillance.
Comme l’a si bien précisé Mayorkas lors de sa récente visite à Little Haïti, le Président a entendu les espoirs et les aspirations de la communauté haïtienne. Et par un heureux hasard, la visite du secrétaire du DHP tombe juste au moment où nous célébrons le mois du patrimoine haïtien. Et à l’autre bout du pays, à Washington, c’est une Haïtienne, Karine Jean-Pierre, qui est devenue le temps d’une journée la porte-parole de la Maison-Blanche. Autant d’indications qui montrent qu’on est peut-être en train d’assister à une véritable lune de miel entre le Président Biden et la communauté haïtienne qui n’a pas manqué d’apporter son soutien lors de la dernière élection présidentielle.

Cela dit, il faut rester prudent. La prolongation du TPS de 18 mois ne signifie pas pour autant que les quelque 60.000 Haïtiens (100.000 selon certaines associations) qui sont concernés par ce programme sont sortis d’affaire. En effet, qu’arrivera-t-il lorsque ces 18 mois se seront écoulés? S’il est inhumain de déporter nos compatriotes sans-papiers vers Haïti vu la situation actuelle que vit notre pays, n’est-il pas aussi inhumain de les laisser vivre en permanence dans l’incertitude? N’est-ce pas injuste de balloter des milliers de familles d’un prolongement à un autre sans leur offrir de réelles perspectives d’avenir? Qui dit que Trump ne reviendra pas au pouvoir dans 4 ans pour détruire tout ce que Biden aura construit? Là est justement toute la question.

Biden ainsi que l’ensemble des élus démocrates doivent prendre leur courage à deux mains et accélérer la régularisation des Haïtiens qui jouissent du TPS. Aujourd’hui, les démocrates contrôlent à la fois le Sénat, le Congrès et la Maison-Blanche. Un alignement des planètes qui ne s’est pas vu depuis le début du premier mandat d’Obama. Il serait donc dommage de ne pas en profiter. In fine, régulariser massivement les Haïtiens pour qu’ils puissent avoir la Green Card est tout bénéfice pour les démocrates qui pourront ainsi compter sur un nombre non négligeable de nouveaux électeurs, surtout que la majorité d’entre eux vit en Floride, un Swing state qui joue un rôle central dans chacune des élections présidentielles.

Quant à la politique américaine vis-à-vis d’Haïti, Biden commence là aussi à faire bouger les choses. Dernièrement, il a montré son impatience à Jovenel Moïse pour que ce dernier arrête de jouer la montre et prendre ses alliés pour des sots. Alors que Trump avait donné carte blanche à Moïse pour faire tout ce qu’il voulait ou presque, Biden lui ne semble pas disposer à laisser Haïti s’enfoncer dans un chaos irréversible à cause de l’incompétence d’un seul homme. Dernièrement, les élus démocrates sont montés au créneau pour dénoncer un ‘’simulacre de démocratie’’, faisant allusion au référendum controversé que veut organiser le Président haïtien le 27 juin prochain. La représentante Frederica Wilson demande même à ce qu’on nomme un envoyé spécial en Haïti pour mettre un frein aux dérives de Jovenel Moïse.

À date, on ne peut que se réjouir de la politique adoptée par Biden envers la communauté haïtienne. Si les dernières décisions prises par son administration sont encourageantes, il reste encore du chemin à faire pour satisfaire pleinement les attentes de la communauté haïtienne, une communauté souvent délaissée par les locataires de la Maison-Blanche qui deviennent soudainement amnésiques une fois élus.

Stéphane Boudin

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