Haïti et la République Dominicaine sont les deux pays voisins qui partagent l’île d’Hispaniola découverte par Christophe Colomb en 1492. Ces deux Etats frères ont fait dans le passé l’expérience de la dictature, notamment avec les régimes des Duvalier (1957-1986) et de Rafael Leónidas Trujillo Molina (1930-1961).
Depuis quelques années ces deux pays essaient de se moderniser politiquement pour que leurs régimes se succèdent au pouvoir à travers des élections libres dans un bel élan démocratique.
La prise de fonction de Antonio Guzmán du Parti révolutionnaire dominicain (PRD) le 16 août 1978, succédant au président Balaguer, leader du Parti Réformiste (qui s’appelle de nos jours Parti réformiste social chrétien (PRSC), après deux mandats consécutifs de quatre ans (1970-1978) est entré dans l’histoire comme le premier transfert de pouvoir à se passer dans le calme en République Dominicaine. Depuis lors, tous les régimes dominicains sont arrivés au pouvoir par la voie des urnes en montrant un certain respect du choix libre des électeurs. Par contre hier encore (en 2004), le régime du président Jean Bertrand Aristide en Haïti s’était vu forcer d’abandonner le pouvoir sous la menace d’une rébellion armée qui avait fait plusieurs centaines de morts. Il est évident que l’alternance politique en Haiti est encore soumise à l’incertitude et au jeu du hasard.
En république voisine, le bilan des dernières présidentielles est presque angélique en référence aux 2 morts enregistrés lors de la campagne électorale. Les récentes élections chez nos voisins ont prouvé qu’ils ont connu une avancée démocratique considérable.
Certes, quelques irrégularités ont été relevées au cours de la journée électorale. Ce qui arrive parfois même dans les grands pays. Mais faut-il noter que le Jour de scrutin s’est déroulé sans mort, ni blessé, ni gaz lacrymogène, ni pneus enflammés dans les rues, encore moins répression policière aveugle ; quelques troubles ” mineurs ” cependant. De quoi dire que la République Dominicaine peut revendiquer une maturité démocratique exceptionnelle et que le vote est entré dans la tradition de ce pays depuis plus de quatre décennies.
Le candidat du Parti de la libération dominicaine (PLD, libéral, au pouvoir), Danilo Medina, soutenu par une coalition de quatorze partis, a remporté l’élection présidentielle du dimanche 20 mai 2012 face à l’ex-président social démocrate Hipolito Mejia, 71 ans, dès le premier tour.
Le Parti révolutionnaire dominicain (PRD) et alliés a récolté 1’918’877 voix soit 47%, tandis que le Parti de la libération dominicaine (PLD, libéral, au pouvoir) et alliés: 2’090’574 voix, soit 51,2%”. Ces résultats quasi complets ont été publiés lundi (21 mai), moins de vingt-quatre heures après la fermeture des 14’000 bureaux de vote dépouillés. Tandis qu’en Haïti, le Conseil électoral provisoire (CEP) avait pris environ un mois avant de proclamer les résultats définitifs de la consultation qui avait opposé le 20 mars 2011 le chanteur populaire Michel Martelly à la professeure Mirlande Manigat, soit le 16 avril. De plus, on redoutait des violences similaires à celles qui avaient accueilli en décembre 2010 les résultats du premier tour.
Haïti a occupé la République Dominicaine pendant pendant 22 ans (1822-1844) sous la présidence de Jean-Pierre Boyer. Paradoxalement nous devons chercher aujourd’hui en ces récentes élections dominicaines-là les aspects à dupliquer qui pourraient rassurer tous les citoyens qui rêvent d’une autre Haïti, celle des libertés démocratiques, de l’alternance politique, de la transparence, des taux de croissance économique prometteurs et des perspectives alléchantes.
Il y a de quoi à percevoir dans la cuvée électorale de la république voisine ce qui est exportable en Haïti. Il faut avouer que la République Dominicaine a passé le cap de la campagne électorale, puis du premier tour, avec brio.
La publication des résultats officiels le lendemain même du scrutin ? L’absence de reports successifs de la proclamation des résultats plusieurs jours après le jour du scrutin ? L’absence de contestation de la décision du Conseil électoral dominicain à l’aide de jet de pierre dans les rues ? La psychose entretenue au sein de la population à l’annonce des résultats ? Et l’absence d’une folie meurtrière postélectorale ?
On voit bien les Haïtiens emboîter le pas de ce modèle dominicain en acceptant d’organiser des élections dans la sérénité pour ne plus envoyer des dizaines de citoyens au cimetière à chaque période électorale juste pour une question de succession au pouvoir.
— La Rédaction –
1er juin 2012