Comme on dit ‘c’est dans le besoin que l’on reconnaît ses vrais amis’. On aurait aimé en dire autant de nos voisins dominicains qui constatent bien qu’Haïti traverse une période particulièrement difficile. Au lieu de nous tendre la main pour nous soutenir et nous permettre de sortir de cette mauvaise passe, ils nous enfoncent un peu plus. Bien entendu, lorsqu’on parle ici des dominicains, on parle des dirigeants et non du peuple dominicain. Et le Président Abinader est le premier coupable de la dégradation des relations entre les deux pays.

Déjà sur le plan migratoire, il avait montré des signes sans équivoque quant à son rejet de tout ce qui vient d’Haïti. Barricades, murs, systèmes de surveillance, armée, lois plus sévères… Abinader et son gouvernement ont tout fait pour que les Haïtiens ne soient pas les bienvenus en République dominicaine. Même les dominicains d’ascendance haïtienne voient leur nationalité remise en cause. Nous savions qu’Abinader avait des idées de droite, mais de là à chercher à exclure ses propres citoyens sous prétexte qu’ils ont des racines haïtiennes, cela s’apparente à du néonazisme déguisé. Bien entendu, le gouvernement dominicain n’a que faire des protestations des associations de protection des droits de l’homme qu’il considère comme des organisations faibles et naïves qui mettent en danger l’intégrité du pays.

La semaine dernière, Abinader et son gouvernement ont franchi un nouveau cap dans l’insulte et la provocation gratuite. En effet, une ordonnance a été signée par le Président dominicain en exercice afin d’interdire l’accès au territoire à 12 chefs de gangs notoires. Jusque-là, rien d’anormal. Sauf que dans cette liste, Abinader a rajouté un 13ème nom, en l’occurrence, celui de Claude Joseph, ancien ministre des Affaires étrangères et Premier ministre intérimaire suite à l’assassinat du défunt Président Jovenel Moïse le 7 juillet de l’année dernière. Le fait de joindre le nom de Claude Joseph à celui de vulgaires criminels qui sévissent en Haïti montre clairement que le gouvernement dominicain cherche à humilier non seulement Claude Joseph, mais aussi tout Haïtien qui oserait se dresser contre eux pour défendre ses propres intérêts.

D’ailleurs, la réponse de Claude Joseph ne s’est pas fait attendre. À peine a-t-il eu vent de l’interdiction dont il fait l’objet, l’ex-Premier ministre a aussitôt répliqué avec un message cinglant où il exprime sa fierté de défendre les valeurs et les intérêts de son peuple à l’étranger, dans la lignée de ce que faisaient ses ancêtres qui refusaient de se laisser dicter leurs choix par des puissances étrangères : « Il me classe comme l’ennemi n°1 des racistes dominicains. Ce n’est pas une sanction. C’est un honneur. Je le reçois au nom des pères Dessalines, Toussaint et Christophe ».

D’ailleurs, les relations entre Claude Joseph et les hauts responsables dominicains n’ont cessé de se détériorer au cours des dernières années. Déjà fin 2021, celui qui était alors ministre des Affaires étrangères avait taclé la République dominicaine, clamant que cette dernière n’était pas un pays sûr. En effet, Claude Joseph ne pouvait rester silencieux alors que les responsables dominicains continuaient de lancer des actes hostiles envers Haïti et sa population. Beaucoup estiment que les actions irresponsables du gouvernement dominicain ont encouragé la multiplication d’actes racistes et xénophobes dans le pays envers les migrants haïtiens, qu’ils soient issus de la première, deuxième ou même troisième génération.

Et Ariel Henry dans tout cela? Le Premier ministre en exercice plonge, comme à son habitude, dans un silence qui n’est guère surprenant. En effet, Ariel Henry semble complètement dépassé par les événements depuis qu’il a pris le pouvoir. Pire, certains disent qu’il serait content de voir Claude Joseph se faire maltraiter par les dominicains. Car n’oublions pas, à la suite du décès de Jovenel Moïse, les deux hommes étaient en course pour occuper le poste de Premier ministre. Claude Joseph a dû céder sa place face à la pression internationale, sans prendre en compte l’avis de la population haïtienne qui est la première concernée par ce choix et qui ne partage pas forcément l’ordonnance des puissances étrangères.

Toujours est-il, le divorce semble bel et bien consommé entre Claude Joseph et la République dominicaine. Il devient également clair que nos voisins feront tout pour ne pas laisser Claude Joseph accéder au pouvoir. Surtout que ce dernier a musclé son discours et clame qu’Haïti ne sera jamais transformé en arrière-cour de la République dominicaine. Pour lui, Abinader et son gouvernement constituent un groupe raciste et ultranationaliste aux idées dangereuses. Bon diplomate, Claude Joseph prend soin de ne pas mélanger le gouvernement dominicain et le peuple dominicain, car il sait qu’Abinader n’est pas éternel, et que ce dernier pourra être éjecté du pouvoir au cours des prochaines élections. Dès lors, tout est possible. Quant à Abinader, il se met à dos non seulement Claude Joseph, mais aussi l’ensemble des Haïtiens qui n’apprécient pas du tout sa politique migratoire raciste et inhumaine. Quant à Ariel Henry, il continue de boire son petit lait enfermé dans son palais, plus que jamais déconnecté du monde réel.

Stéphane Boudin

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