On se doutait bien que le nouveau Premier ministre Lapin n’allait rien apporter de concret pour améliorer le quotidien des Haïtiens. Mais force est de constater que la liste des ministres qu’il vient de proposer manque singulièrement d’originalité. Ceux qui espéraient un vrai changement devront attendre encore un peu. Ceux par contre qui désiraient que le statu quo perdure pour différentes mauvaises raisons sont aux anges. Nul doute que ce nouvel exécutif, à l’instar des 2 autres qui l’ont précédé sous l’ère Moïse, ne fera pas long feu. À tel point que beaucoup pensent que Lapin ne fait que préparer le terrain pour son successeur. Comme dirait Machiavel : ‘’un changement en prépare un autre’’.

Un exécutif qui n’offre rien de nouveau aux Haïtiens

Pour une fois, les Haïtiens n’attendaient pas grand-chose de la nouvelle équipe qui allait être proposée par le Premier ministre Lapin. Et ils n’ont pas été déçus. En regardant de près la composition de ce gouvernement qui se voulait être celui du renouveau, on a plutôt envie de dire qu’il s’agit là d’un simple rafistolage basique. En effet, presque la moitié des ministres proposés proviennent de l’équipe sortante, censurée en mars dernier par la chambre des députés.

Jean-Michel Lapin lui-même va continuer à diriger son ancien département, à savoir celui de la Culture et de la Communication, en plus de son poste actuel à tête de la primature. Les 6 autres ministres qui ont été reconduits à leurs postes sont Mr Roudy Aly à la justice et sécurité publique, Mr Ronald Décembre à l’économie et aux finances, Mr Edmond Bochit aux affaires étrangères, Fritz Caillot aux travaux publics et transport, Pierre Josué Agénor Cadet à l’éducation nationale et la formation professionnelle, et Marie Greta Roy Clément, Ministre de la santé publique et de la population.

Tout ça pour ça a-t on envie de dire. Après 3 mois de tractations et de consultations, on était en droit de s’attendre à la nomination d’une ‘task force’ constituée d’individualités compétentes pour sortir le pays de son marasme permanent. Certains s’étaient même mis à rêver que Moïse allait piocher ses ministres au sein des forces vives du pays, avec un assortiment de technocrates indépendants qui ne soient pas tributaires des caprices de tel ou tel parti. Malheureusement, le système politique haïtien est organisé de telle manière qu’il ne laisse pas les talents s’exprimer. Il est dans l’intérêt de beaucoup de gens hauts placés à ce que les mauvaises personnes soient nommées aux bons endroits.

Lapin a déjà entamé les procédures habituelles pour faire valider sa politique générale par les deux chambres. Il a en effet besoin de leur vote de confiance pour que sa liste ministérielle soit entérinée et puisse entrer officiellement en fonction.

‘’Lapin est un autre fusible qui finira tôt ou tard par griller’’

La politique en Haïti est constamment en surtension. Normal, quant on sait à quel point la situation socio-économique est au bord de l’implosion. Lorsque vous demandez aux citoyens dans la rue combien de gouvernements au cours de ces dernières décennies ont été à la hauteur de leurs ambitions, vous recevrez en retour une seule et même réponse lapidaire : zéro! Le divorce entre la classe politique et la population est entamé depuis belle lurette. Les jeux d’intrigues qui se trament dans les coulisses du pouvoir n’amusent plus grand monde. Pas étonnant dès lors qu’il y ait une telle désaffection des Haïtiens pour la politique. L’immense majorité des citoyens savent que tout n’est que combines et machinations pour pouvoir décrocher tel ou tel poste convoité. Malheureusement, c’est les filles et fils de notre chère nation qui en paient le prix au final.

Le nouveau gouvernement Lapin n’est que l’aboutissement des vicissitudes qui ont jalonné le pouvoir politique en Haïti au cours des dernières années. Cette nomination est la conséquence d’un règlement de compte entre Céant et Moise plutôt que le fruit d’une réelle réflexion concertée pour les intérêts supérieurs du pays. Ce qui fait dire aux analystes sur place que Lapin n’est qu’un faire-valoir qui ne fera pas le poids. Un connaisseur des cercles du pouvoir qui a ses entrées au parlement affirme sans ambigüité ‘’…qu’à mi-mandat, Moise semble plus que jamais perdu dans ses choix. Manquant clairement de courage politique, il a choisi le consensus pour ne fâcher aucun clan. Avec ce nouveau Premier ministre, il a trouvé un personnage lissé qui ne va pas lui faire de l’ombre. Lapin est un autre fusible qui finira tôt ou tard par griller.’’

L’équipe de Lapin arrivera-t-elle à relever ses nombreux défis ?

Les institutions financières internationales attendent qu’un nouveau gouvernement soit clairement nommé avant de débloquer les fonds promis. Les bailleurs ont horreur du vide et n’aiment pas que les situations de transition s’éternisent. Personne ne voudra mettre son argent dans un pays qui ne donne pas des gages de stabilité et offre un minimum de garanties. Malheureusement, le pouvoir haïtien ne semble pas intégrer ces notions dans ses équations à plusieurs variables. Or, le temps presse, surtout que le gouvernement manque de liquidités et n’a pas les moyens pour mettre en place, seul, les nombreux plans de redressement qui sont encore dans ses cartons. Il est donc incompréhensible que la nomination du nouvel exécutif, qui plus est ne semble pas séduire grand monde de par sa composition, prenne autant de temps.

Encore une fois, toutes les composantes de la classe politique ont montré combien les intérêts personnels priment sur le reste. Dans les deux chambres, au lieu d’avoir de fructueux débats d’idées pour faire avancer le pays, on assiste souvent à des combats de coqs stériles pour savoir qui va prendre la place de qui. Le triste spectacle offert par les sénateurs de la république lors de la séance de présentation de la politique générale du Premier ministre nommé Jean Michel Lapin est symptomatique d’un système politique inefficace et totalement en décalage avec la réalité des Haïtiens et leurs besoins. Le Premier Ministre n’a même pas pu accéder au podium pour exposer le plan d’action de son gouvernement, empêché par une poignée de sénateurs qui sont devenus experts pour semer la zizanie et créer la discorde. La cacophonie était telle, que même les marchés populaires de Port-au-Prince paraissent plus disciplinés en comparaison.

Le Floridien, 15 mai 2019

 

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