Alors que les États-Unis sont en pleine période d’élections de mi-mandat, tous les regards sont dirigés vers le Département d’État en ce qui concerne la crise haïtienne. En effet, bien que l’ONU a exprimé à plusieurs occasions ses inquiétudes concernant la dégradation de la situation en Haïti, tout le monde sait que c’est Washington qui va imposer le tempo. Combien d’argent sera nécessaire pour aider Haïti à se relever? Quel contingent devra être déployé sur place? Faut-il encourager l’instauration d’un gouvernement de transition? Si oui, lequel? Autant de questions qui taraudent les opinions alors que le temps presse face à une population haïtienne prise en otage entre les politiciens, les gangs et le choléra.

Les États-Unis cherchent en coulisse à impliquer les grandes nations

Les États-Unis et la communauté internationale sont sur la même longueur d’onde concernant le cas haïtien. Tout le monde est unanime pour dire que la situation est devenue trop critique et qu’une intervention est plus que jamais nécessaire. Les pays limitrophes d’Haïti, en premier lieu la République dominicaine et les États-Unis, s’inquiètent de l’émergence d’une zone de non-droit où prospèrent les trafics en tout genre. Les cartels de drogue, mais aussi les groupes terroristes, peuvent profiter de la situation en Haïti pour y installer leurs bases et mener leurs activités néfastes. Cela sans parler du déferlement de réfugiés qui préfèrent tenter leur chance en entamant un périlleux voyage plutôt que de rester sur place pour mourir à petit feu.

Voyant l’urgence de la situation, la Maison-Blanche a décidé de réagir, après avoir raté l’occasion d’agir de manière proactive pour éviter que la situation ne pourrisse à ce point. À l’époque, Obama aurait pu nous donner un coup de pouce lorsque la situation était encore sous contrôle. Malheureusement, il a suivi ses conseillers qui lui ont recommandé de ne pas ouvrir un nouveau front alors que les Marines sont déjà englués dans les combats afghans et irakiens. Aujourd’hui, la crise en Haïti a atteint un summum.

On peut dire sans risque de se tromper que notre pays est devenu un No Man’s Land, un pays de non-droit où le gouvernement ne contrôle plus rien. Y intervenir aujourd’hui est donc dix fois plus compliqué qu’il y’a 10 ans.

Le Secrétaire d’État sait bien que la tâche est immense. Il espère donc impliquer le plus de pays possible dans la constitution d’une force d’intervention internationale. Cette semaine, il s’est déplacé au Canada pour demander le soutien du grand voisin du nord. Il devrait en faire de même de l’autre côté de l’atlantique en demandant le soutien des nations membres de l’OTAN, notamment le Royaume-Uni et la France. Le seul problème à ce marchandage diplomatique, c’est que Joe Biden a clairement indiqué qu’il ne comptait pas envoyer de soldats américains sur le territoire haïtien, même sous l’égide de l’ONU. De quoi refroidir les autres pays qui ne voudront certainement pas sacrifier leurs soldats au profit des GI. Soit on y va tous, soit chacun reste chez soi.

La communauté internationale n’a d’autres choix que d’intervenir

‘Aux grands maux, les grands moyens’ comme on dit. La situation que traverse Haïti en ce moment est complexe à plus d’un titre et nécessite une approche nouvelle. Il est loin le temps où il suffisait de réunir quelques soldats et de les envoyer dans un pays pour soumettre sa population à une nouvelle loi ‘pacificatrice’. Chaque nation a sa culture, son histoire et ses aspirations. Haïti n’échappe pas à cette règle. L’erreur qui a été faite à plusieurs reprises concernant Haïti, c’est que ceux qui ont dirigé les interventions internationales n’avaient aucune connaissance de la réalité du terrain. Installés confortablement dans leurs bureaux à New-York et à Washington, ils étaient en total décalage avec ce qui se passait réellement en Haïti. Envoyer des milliards de dollars ne sert à rien si la base n’est pas prête pour accueillir cet argent et l’utiliser à bon escient. Par base, on entend ici la classe politique, et plus globalement l’administration haïtienne censée gérer les fonds destinés à la reconstruction de notre pays.

Tant que les bailleurs de fonds et les grandes nations ne comprendront pas cela, alors leurs tentatives pour aider Haïti resteront vaines et seront infructueuses. C’est un peu comme verser de l’eau dans du sable en espérant y faire pousser du blé. Si le sol n’est pas fertile, rien ne poussera, même si vous arrosez tous les jours, matin et soir.

Par ailleurs, il n’est pas dit que les Haïtiens vont accepter une intervention internationale sans leur consentement. D’ailleurs, des manifestations ont eu lieu dernièrement pour déplorer le plan d’occupation qu’Ariel Henry a déguisé en assistance militaire internationale. Car oui, Ariel Henry n’est qu’un pantin qui dit ce qu’on lui dit de dire. N’ayant ni légitimité ni pouvoir, son opinion et ses discours n’ont aucune valeur aux yeux des Haïtiens.

Course contre la montre

Le temps presse. C’est incontestable. Chaque jour qui passe voit Haïti s’enfoncer un peu plus dans le chaos. Il ne serait pas étonnant de voir notre pays contrôlé totalement pas les gangs à court terme. Imaginez les hommes de Barbecue tamponner les passeports à l’aéroport international Toussaint-Louverture. Un tel scénario nous aurait fait rire il y’a un an tant cela nous aurait paru inimaginable. Plus aujourd’hui.

Pour le moment, on constate une grande hésitation de la part de la communauté internationale. Les grandes nations ne savent pas comment intervenir ni sous quelle forme. D’une certaine façon, on peut dire que c’est un bon signe, car cela montre que la communauté internationale a appris (on l’espère) de ses erreurs passées et qu’elle ne compte pas se jeter les yeux fermés pour résoudre un problème aussi complexe. Les Nations-Unies savent dorénavant que le cas haïtien nécessite une nouvelle façon de faire. Il faudrait impliquer davantage la société civile, la diaspora, en somme, toutes les forces vives du pays qui veulent véritablement aider Haïti, et pas celles qui cherchent uniquement à s’enrichir et à détourner l’argent.

Si force internationale il y’a, il faudrait qu’elle intervienne avec l’aval des Haïtiens (et non de leurs dirigeants). On pourrait imaginer par exemple le soutien de la diaspora haïtienne pour sensibiliser la population locale sur le bien-fondé d’une intervention armée, ses objectifs, sa contribution. Si on explique à la population que ces soldats étrangers sont là pour désarmer les gangs et rétablir la paix, alors les Haïtiens seront les premiers à les aider. Par contre, si aucune explication n’est donnée et que des bataillons étrangers débarquent du jour au lendemain parce qu’Ariel Henry l’a demandé, alors on peut craindre le pire avec un scénario ‘déjà vu’.

D. Ferdinand
Le Floridien, 31 octobre 2022

515-CITYMIRAMAR

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