En ce début 2021, le gouvernement de Jovenel enchaîne les annonces. Il vient ainsi d’établir un calendrier pour l’approbation de la nouvelle constitution par référendum, mais aussi pour l’organisation des élections législatives et présidentielles. De plus en plus critiqué, voire détesté par l’opinion publique, Jovenel Moïse ne s’en démord pas et continue à exécuter son plan de manière méthodique pour se maintenir au pouvoir au-delà de 2022. En face, l’opposition est quasi inexistante. D’où le désespoir des Haïtiens qui se sentent plus que jamais abandonnés par l’ensemble de la classe politique.
Des élections et une nouvelle constitution
Simple coïncidence ou pas, mais force est de constater que depuis la défaite de Trump à l’élection présidentielle, suivie par le basculement du Sénat américain dans le camp démocrate, Jovenel s’est enfin décidé à s’activer pour l’organisation des élections. Il faut dire que le Chef de l’État est dans le collimateur de nombreux élus démocrates qui ont promis de ne pas laisser la situation délétère en Haïti perdurer plus longtemps. Sentant que le vent commence à tourner en sa défaveur, Jovenel s’est empressé de lisser son image auprès de la communauté internationale. Cette dernière n’a pas manqué de critiquer les dérives autoritaires de Jovenel qui gouverne par décret, sans consultation ni consensus. La pseudo-loi antiterroriste a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, montrant les vraies intentions d’un Président qui cherche à tout prix à museler toute opposition dans le pays.
Toujours est-il, pour prouver sa bonne foi, Jovenel a enfin établi un calendrier pour les prochaines élections.. sauf si des événements de force majeure viennent encore une fois perturber le calendrier électoral. Cette éventualité n’est pas à exclure, surtout que les autorités peuvent facilement manipuler des forces déstabilisatrices comme les gangs ou les milices pour semer la zizanie et instaurer le chaos. Car plus la situation dans le pays est instable, plus cela semble arranger les affaires de Jovenel qui aime diviser pour mieux régner. Pour le moment, il a laissé le soin au Conseil Électoral Provisoire, le CEP, un autre organe créé par ses soins, d’établir le calendrier électoral pour cette année.
Ainsi, le référendum pour accepter ou rejeter la nouvelle constitution sera organisé le 25 avril prochain. À la question simple, Eske w dakò ak pwojé Konstitutisyon sa a ? Les Haïtiens devront répondre par oui ou par non. Le problème est que ce référendum est considéré comme anti-constitutionnel et illégal par les juristes, l’opposition et les médias. En effet, il est clairement stipulé dans la constitution actuelle que toute modification doit passer par les deux chambres, seules habilitées à abroger ou entériner de nouveaux textes. Or, cela fait des mois que le pays ne dispose plus de parlement. Logiquement, le référendum devrait intervenir après les prochaines élections législatives et non pas avant. Cela montre que Jovenel veut faire passer une constitution sur-mesure qui augmenterait ses chances pour un deuxième mandat.
Quant aux élections législatives et présidentielles, elles devraient être théoriquement organisées le 19 septembre prochain. ‘Théoriquement’, car ces élections interviendront en pleine saison cyclonique. À se demander si le gouvernement n’a pas choisi cette date en connaissance de cause, espérant que la météo viendra une fois de plus tout déprogrammer. Autrement, si tout se passe bien, le deuxième tour sera lui organisé le 21 novembre prochain. À signaler que Mr Luis Almagro, secrétaire général de l’Organisation des États des Amériques, a approuvé ce nouveau calendrier proposé par le CEP.
Jovenel remet en marche la machine à promesses
À peine les nouvelles dates électorales ont-elles été annoncées que Jovenel a remis le turbo avec sa machine à promesses. Il faut croire que le Président ne veut pas perdre de temps et a décidé de commencer sa campagne avant les autres. Son gouvernement s’évertue ainsi depuis quelques jours à enchaîner les annonces tapageuses à coup de milliards : plan décennal pour l’éducation dotée d’une enveloppe de 6 milliards de dollars, plan de relance économique post-covid de presque 5 milliards de dollars.. On se demande bien comment le gouvernement va faire pour trouver tout cet argent. Dans l’art du mensonge, Jovenel est malheureusement devenu un maître incontesté. Et il a une formule qui lui est chère : plus le mensonge est gros, mieux ça passe. Comme s’il suffisait d’annoncer que des milliards seront investis pour que les gens y croient.
Revenons quelques années en arrière. Ce même Jovenel n’avait-il pas promis de l’argent dans les poches et de la nourriture dans les assiettes de tous les Haïtiens? Où est cet argent? Où est cette nourriture? La pauvreté dans notre pays a atteint des niveaux records. Sous l’ère Jovenel, la malnutrition gagne du terrain et affecte presque la moitié de la population. Jovenel n’a pas d’excuses pour expliquer son échec. Il ne pourra même pas se cacher derrière la pandémie du Covid-19, puisque le Bon Dieu nous a relativement bien épargnés de ce fléau. Jovenel sait très bien que son bilan est médiocre. C’est la raison pour laquelle il a préféré jouer sa carte favorite, qui est la surenchère.
Mais il va être compliqué de convaincre les Haïtiens de lui faire à nouveau confiance, tant l’actuel Chef de l’État a déçu. Sous son mandat, notre pays n’a connu aucune avancée, dans aucun domaine. L’insécurité est telle qu’on dirait qu’on vit désormais dans un pays en guerre. Sur le plan économique, là encore, le constat d’échec prédomine. La relance tant attendue n’a jamais eu lieu. Pire, le pouvoir d’achat des Haïtiens a même baissé à cause de l’inflation. On voit mal comment Jovenel peut s’enorgueillir d’avoir aidé le pays en quoi que ce soit. Et pourtant, les gens de la trempe de Jovenel n’ont ni orgueil, ni amour-propre, ni conscience patriotique. Tout ce qui les intéresse, c’est de prendre le pouvoir et d’y rester aussi longtemps que possible.
Mais où est donc passée l’opposition?
Avouons tout de même que Jovenel a une qualité, celle d’être un fin tacticien en politique. Il a su profiter de chaque faille de notre système pour briser l’opposition et la réduire au silence. Ainsi, faute d’élections législatives, il a déclaré début 2019 que le parlement était caduc. Depuis, Jovenel commande seul notre pays. Malgré les appels incessants pour organiser de nouvelles élections, le Président a voulu prendre son temps et savourer cette nouvelle façon de gouverner qui ressemble à celle d’un apprenti dictateur. Diaboliquement, méthodiquement, il a renforcé son pouvoir, aussi bien sur le plan politique que sécuritaire. Il semble décidé à mettre toutes les chances de son côté pour s’adjuger les prochaines élections par KO technique. Car il faut dire qu’en fasse, il n’y a pas pour l’instant d’adversaire de taille qui pourrait lui faire de l’ombre.
Car il faut bien l’avouer, l’opposition a grandement facilité la tâche à Jovenel. Divisée, sclérosée et corrompue, elle ne semble pas être une alternative crédible. C’est la raison pour laquelle la population la rejette de la même façon qu’elle rejette le pouvoir en place. D’ailleurs, il se dit que les Haïtiens pourraient revenir dans la rue à la mi-janvier pour exiger à nouveau le départ de Jovenel. L’année 2021 risque d’être bien longue. Et d’ici à ce que les élections soient organisées, beaucoup de choses peuvent encore se passer.
D. Ferdinand / LE FLORIDIEN