Cela fait presque 1 an que la Covid-19 est apparue en Floride, puisqu’on sait maintenant que les premiers cas se sont probablement déclarés durant la première semaine de janvier 2019. Ce n’est que quelques mois plus tard, soit le 1er avril, que le gouverneur DeSantis décrétait l’État d’urgence face à la propagation rapide du virus. Il ordonnait ainsi la fermeture des boutiques jugées «non essentielles», une mesure qui allait fortement impacter l’économie locale, et notamment le portefeuille des ménages haïtiens qui sont nombreux à vivre de petits commerces. Aujourd’hui, beaucoup ont dû mettre les clés sous la porte, tandis que d’autres redoutent de ne pas pouvoir résister bien longtemps face à une conjoncture particulièrement difficile.
La Covid-19 a touché presque tous les secteurs
Il faut remonter à très loin pour voir le monde traverser une telle crise. À l’instar des autres États du pays, la Floride n’a pas échappé aux mesures sanitaires strictes imposées pour ralentir la diffusion du Covid-19 et épargner ainsi l’engorgement des hôpitaux.
Malheureusement, ces mesures ont aussi fortement impacté l’économie locale. Mis à part les entreprises du numérique qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu, la plupart des autres secteurs ont du endurer un ralentissement drastique de leurs activités, que ça soit l’hôtellerie, la restauration, le transport aérien, les locations de voitures, les loisirs, l’habillement, etc.. Faute de revenus, beaucoup d’entrepreneurs haïtiens ont souffert le martyre, puisque les charges elles n’ont pas bougé. Il fallait en effet continuer à payer le loyer du commerce, l’eau, l’électricité et d’autres frais incompressibles.
Voyant que la situation devenait intenable, DeSantis a bien essayé d’alléger les restrictions afin de donner une bouffée d’oxygène à l’économie, mais cela n’a pas vraiment suffi. Aujourd’hui, nombreux sont les patrons qui se demandent s’ils pourront continuer, bien qu’ils aient réduit l’effectif de leur personnel pour limiter les frais. Les restaurateurs par exemple ne peuvent utiliser que 50% de leur capacité d’accueil, ce qui fait que la grande majorité des clients préfère emporter les plats. Et cela a forcément un impact sur le chiffre d’affaires.
D’autres commerces comme les salons de coiffure, les pâtisseries ou les agences de transfert d’argent ont été un peu plus épargnés. Ils ont réussi à garder la tête hors de l’eau malgré tout. De façon générale, le taux de chômage au sein de la communauté haïtienne a connu une hausse sensible, puisque les employeurs ont dû licencier à tour de bras pour maintenir leur entreprise en vie. Au final, beaucoup de familles haïtiennes se sont retrouvées du jour au lendemain sans revenus. Et cela a forcément eu un impact négatif sur leur qualité de vie. Plusieurs ménages qui avaient déjà du mal à joindre les deux bouts en temps normal doivent désormais vivre au jour le jour. Une situation particulièrement angoissante alors qu’on ne sait toujours pas quand cette pandémie prendra fin.
Les petits commerces pas assez solides pour faire aux catastrophes majeures
Le problème avec les commerces et PME tenus par les Haïtiens, c’est que beaucoup, pour ne pas dire la grande majorité, ne tiennent pas toujours une comptabilité structurée. Il y a souvent chez nos concitoyens cette peur des impôts qu’ils jugent trop élevés. Pour eux, tout argent donné à l’État est de l’argent perdu. Donc au lieu d’engager un comptable professionnel qui l’aidera à profiter d’optimisations fiscales, le commerçant haïtien préfère recourir au noir et mettre directement ses revenus dans sa poche, sortant ainsi du radar du fisc. Résultat des courses, lorsque ces mêmes commerçants nécessitent des aides urgentes de l’État pour faire face à une crise majeure comme celle que nous traversons actuellement, ils ne savent plus quoi faire. C’est un peu comme celui qui refuse d’avoir une assurance santé pensant qu’il n’en aura jamais besoin, et qui un beau jour se retrouve ruiné par les coûts exorbitants exigés par les hôpitaux lorsqu’il tombe gravement malade.
D’ailleurs, le Commissaire d’origine haïtienne du District 2 du comté de Miami-Dade, Mr Jean Monestime, a à de nombreuses reprises sensibilisé les concitoyens à ce sujet. Il leur a expliqué combien il était important de tenir une comptabilité claire pour pouvoir bénéficier le cas échéant de soutiens financiers du gouvernement local. On peut citer en exemple le programme ‘Mom and Pop’ qui accorde des facilités de paiement aux petites et moyennes entreprises désireuses d’acquérir des équipements, des fournitures, ou encore d’avoir recours à des campagnes publicitaires pour accélérer leur croissance. Malheureusement, beaucoup n’ont pas compris cette façon de faire et gardent les vieux réflexes qu’ils adoptaient au pays. Ce qui est dommage, car ils ratent ainsi de belles opportunités pour croitre et développer leur business. Et comme on dit, à quelque chose malheur est bon. Peut-être que cette crise du Covid-19 va les faire changer d’avis et leur permettra de voir les choses sous une autre perspective. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si en mandarin, le mot ‘crise’ combine deux significations : vigilance et opportunités.
La communauté haïtienne arrivera-t-elle à surmonter cette crise?
Il est clair aujourd’hui que la crise engendrée par la Covid-19 n’aura sans doute pas d’équivalent dans notre histoire moderne. À titre d’exemple, le PIB des États-Unis a accusé un recul net de 33% en l’espace de 3 mois l’année passée. Du jamais vu! Pour beaucoup, Biden est l’homme providentiel qui les sortira de ce cataclysme, du moment que DeSantis ne vient pas mettre son grain de sel pour tout gâcher. Pour certains, c’est le moment de remettre les compteurs à zéro pour un nouveau départ.
Pour l’instant, la seule aide que les habitants haïtiens ont vue, c’est une aide ponctuelle des autorités locales avec la mise sur pied d’un programme pour soutenir les ménages qui avaient du mal à payer leur loyer ou les factures d’eau et d’électricité. Cette aide fut certes très utile pour de nombreuses familles, mais elle demeure néanmoins insuffisante pour pouvoir se projeter sur le long terme. Les commerçants haïtiens auront besoin d’une aide plus substantielle de l’État pour qu’ils puissent retrouver le rendement d’avant-Covid. Un coup pouce fiscal ne serait pas de trop pour stimuler la reprise économique et accélérer le redressement des entreprises.
Enfin, au-delà des aides locales et fédérales, la communauté haïtienne doit également puiser dans ses propres ressources pour se sortir de cette mauvaise passe. Courage et solidarité sont les maîtres-mots qui doivent primer en ces temps de crise. Si un Haïtien voit son semblable dans une situation difficile, et qu’il a les moyens de l’aider, alors il se doit de le faire. Ce n’est qu’en s’entraidant et en se portant mutuellement assistance qu’on arrivera à sortir ensemble de cette mauvaise passe. En prenant en compte la générosité et l’empathie qui caractérisent l’homme et la femme haïtiens, il y a de quoi être optimiste pour l’avenir.
Dessalines Ferdinand
Le Floridien, 30 janvier 2021