1 an après l’assassinat de Jovenel Moïse par un commando de mercenaires colombiens, on ne connait toujours pas les noms des commanditaires de cet assassinat qui a fait couler beaucoup d’encre et plonger un peu plus notre pays dans la crise constitutionnelle et politique.

Début juillet 2021, la criminalité atteignait des sommets dans notre pays, avec des gangs de plus en plus violents et des enlèvements quotidiens. Le journal Le Floridien tirait la sonnette d’alerte en indiquant que la violence semblait toucher toutes les classes sociales et que plus personne n’était protégé. En effet, même les proches de gens au pouvoir qu’on pensait intouchables étaient victimes de kidnapping.

La nuit du 7 juillet, l’impensable arriva. La résidence privée de Jovenel Moïse était prise d’assaut par un commando bien entraîné qui n’a rencontré aucune résistance de la part de la garde présidentielle, ce qui montre que celle-ci était infiltrée et avait reçu des ordres en haut lieu pour laisser passer les mercenaires. À partir de là, le Président de la République s’est retrouvé seul, livré à une bande de criminels qui se sont acharnés sur lui et ne lui ont laissé aucune chance de s’en sortir. La Première Dame, elle, n’a eu la vie sauve que grâce à son sang froid, alors que les assaillants l’ont laissée pour morte. Juste à côté, son mari baigne dans une mare de sang après avoir été criblé de 12 balles.

Mais alors, qui est derrière tout ça? Plusieurs juges se sont relayés pour essayer de répondre à cette question, mais tous se sont cassé les dents et n’ont pas pu avancer sur un dossier à hauts risques. Il faut dire qu’avec les menaces anonymes d’un côté et l’incompétence de notre système judiciaire de l’autre, la tâche paraît difficile, pour ne pas dire impossible.

Il aurait fallu l’assistance d’un organisme international tel que la Cour Internationale de Justice, qui bénéficie d’une grande expertise dans ce genre de situation. Mais étonnement, après les condamnations unanimes suite à cet assassinat, Haïti n’a reçu aucune aide digne de ce nom. Tout juste les États-Unis ont permis l’arrestation de mercenaires colombiens qui avaient réussi à fuir Haïti et à se réfugier dans des pays de la région comme la Jamaïque. Mais sur la question de fond, à savoir qui sont les réels instigateurs de cet assassinat, le mystère reste total.

Les seules personnes qui ont remué ciel et terre pour que justice soit rendue, c’est la famille du défunt Président. Le fils, Joverlein, résidant à Montréal, a lancé une action judiciaire à partir du Canada pour que la mort de son père ne tombe pas dans l’oubli et l’indifférence. Martine Moïse, courageuse et digne durant toute cette épreuve, se démène de son côté pour que les véritables coupables soient arrêtés et traduits devant la justice. L’ex Première Dame ne cesse de faire des allers-retours entre la Floride et Haïti en ce sens.

Pour l’instant, 73 personnes ont été arrêtées et 43 inculpées. Mais cela reste insuffisant. Martine Moïse accuse sans détour les autorités haïtiennes de ne pas faire le nécessaire pour rendre justice à son mari. La justice américaine semble d’ailleurs aller bien plus vite, avec notamment l’arrestation de Jean Joël Joseph qui semble jouer un rôle clé dans cette affaire.

Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement d’Ariel Henry semble ne plus faire de l’enquête sur le meurtre de Jovenel Moïse une priorité. Pourtant, c’est grâce à Moïse qu’Ariel Henry a pu accéder au pouvoir. Rendre justice à son ‘mentor’ aurait été la moindre des choses. Mais on sait depuis des lustres que l’ingratitude et l’animosité sont les seuls caractères qui animent nos politiciens. Ariel Henry, pour se dédouaner, lance de temps en temps des Tweets qui n’ont plus aucune valeur. Comme lorsqu’il dit : “J’ai la désagréable sensation que ceux qui ont conçu et financé ce plan macabre courent toujours dans les rues et échappent toujours à notre système judiciaire”. Certes, mais que fait vraiment Ariel Henry pour corriger ce problème, lui qui est à la tête du pays depuis un an et qui ne sort pratiquement jamais de son palais.

Il faut dire aussi que plusieurs indices troublants mêlent Ariel Henry à tout ça, notamment les appels téléphoniques avec Joseph Badio la nuit du meurtre. Au lieu de sortir des arguments solides, Ariel Henry a plaidé l’amnésie. Pire, il a licencié les juges qui voulaient l’interroger pour en savoir plus. Un comportement qui est à des années lumière de ce qu’une justice indépendante devrait être.

Le 7 juillet dernier, la famille Moïse, dirigée par Martine, a rendu hommage au Président disparu lors d’une cérémonie d’hommage organisée au Cap-Haïtien. Martine a fustigé la situation dans le pays qui n’a fait que régresser à tous les niveaux. Est-elle en train de préparer le terrain pour un futur engagement politique? C’est fort possible. Claude Joseph, qui était à un moment considéré comme le potentiel successeur de Jovenel Moïse, pousse lui aussi ses pions pour ne pas se faire doubler. Alors que la justice piétine pour trouver les meurtriers de Jovenel Moïse, les politiciens eux se bousculent pour atteindre le pouvoir en cas d’éventuelles élections. Après l’émotion, place à la realpolitik.

Stéphane Boudin

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