Haïti vit un moment charnière de son histoire où tous les intervenants, publics comme privés, ont un rôle à jouer pour tirer le pays vers le haut et le sortir d’un marasme qui n’a qu’assez duré. Toutes les bonnes volontés sont bienvenues. Malheureusement, Haïti reste encore otage d’un pouvoir politique absent et incompétent qui n’arrive pas à répondre aux besoins les plus élémentaires de sa population. Pire, les mensonges d’État qui étaient auparavant des exceptions sont devenus aujourd’hui la règle. Que ça soit l’affaire PetroCaribe ou encore la scandaleuse libération récente de 7 mercenaires étrangers, la population est plongée dans la désinformation la plus totale afin que les haut placés continuent à magouiller entre eux en toute quiétude.

Heureusement, les nouvelles technologies sont en train de changer la donne, puisque nous vivons à une époque où le peuple dispose de canaux d’expression qui peuvent le libérer du joug étatique et ses contrevérités éructées à longueur de journée. La désignation de “4ème pouvoir” pour parler de la presse (notamment digitale) n’est d’ailleurs pas anodine, puisque cette dernière peut plaidoyer pour une cause donnée, voire implicitement encadrer des sujets politiques ou d’actualité de façon indépendante. Aujourd’hui, tout le monde ou presque a accès à internet. Chacun est libre d’y publier ses propres opinions ou d’y consulter les opinions des autres. Avec les nouveaux smartphones tous dotés de caméras, le citoyen lambda peut dorénavant rapporter des violations dont il est témoin, images à l’appui. Et c’est cette union entre la presse classique et les médias sociaux qui fait peur aux régimes crapuleux.

Les exemples où les médias sociaux associés à une cyber-presse indépendante ont servi les causes populaires et leurs revendications légitimes sont légion. On peut notamment citer le printemps arabe où plusieurs dictateurs sanguinaires sont tombés les uns après les autres par effet domino : Tunisie, Égypte, Libye, Yémen. Dans les autres pays, à défaut de chasser les dirigeants du pouvoir, les protestataires ont obtenu de l’État des concessions notables, avec à la clé la promesse d’effectuer des réformes de fond : Maroc, Jordanie, Koweït, Oman.

Si à l’époque des Che Guevara, on parlait de révolution armée, aujourd’hui, on parle plus de révolution digitale, car beaucoup ont compris que l’information (mais également la désinformation) était une puissante arme qui pouvait faire encore plus de dégâts. Les Facebook, Twitter et autres Instagram véhiculent les nouvelles en direct, ce qui permet au plus grand nombre de suivre l’évolution de la situation à la seconde près. Les gouvernements qui autrefois verrouillaient l’information en amont ne peuvent plus faire grand-chose contre ces nouveaux modes de communication. Dans une ère de réactivité où tout va très vite, il n’y a pas beaucoup de place à l’improvisation.

Pour en revenir au cas haïtien, il est essentiel que les grands médias indépendants jouent le rôle de canalisateurs pour mieux orienter les informations émanant des citoyens. Cela permettrait de garder une certaine cohérence et crédibilité vis-à-vis de l’opinion publique. Il ne s’agit pas là de censurer, loin de là, mais de filtrer les informations pertinentes afin de ne pas se retrouver submergé par les fake-news. Ce n’est que de cette façon qu’un véritable contre-pouvoir fort pourra émerger pour faire bouger les lignes. Autrement, le gouvernement va continuer à faire sa politique de l’autruche quand cela l’arrange et à distiller l’information au compte-goutte si c’est dans son intérêt.

D’ailleurs, le pouvoir haïtien semble avoir un double discours envers les médias digitaux. Si officiellement, il encourage l’épanouissement d’une presse libre et indépendante qui serait un des signes d’une certaine maturité démocratique, dans l’ombre, les pouvoirs publics font tout pour saper le travail de ces mêmes médias, parfois en leur mettant des bâtons dans les roues. Car il ne faut pas se leurrer, l’homme politique haïtien a horreur des critiques. Il n’a pas encore intégré dans ses gènes la notion de débats positifs et d’analyses constructives. Pour lui, c’est tout blanc ou tout noir, la zone grise n’existe pas !

Pour ainsi dire, la force de frappe des médias digitaux est à double tranchant et n’est pas épargnée d’un effet boomerang, puisque de la même façon qu’elle peut servir le peuple, elle peut aussi se retourner contre lui. Le cas d’une éventuelle ingérence russe dans les dernières élections américaines, si elle venait à être prouvée, constituerait un dangereux précédent. D’où l’obligation de rester vigilant et de toujours vérifier ses sources. Les gouvernements sans scrupules n’entendent pas se laisser faire et répondent déjà à cette vague de liberté digitale par une contre-révolution perverse. Leur technique est on ne peut plus simple. Noyer une information véridique dans un océan de désinformation afin que les citoyens ne sachent plus où donner de la tête et différencier le vrai du faux. Pour résumer, si sous une dictature, le mot d’ordre était “Fermez-là !”, dans les pseudo-démocraties d’aujourd’hui, c’est devenu “causez toujours”.

Dessalines Ferdinand

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