Cette semaine, un petit avion commercial avec à son bord 5 personnes (1 pilote et 4 passagers) s’est écrasé dans la commune de Carrefour, non loin de Port-au-Prince. Tous les occupants de l’aéronef sont décédés lors de l’accident qui a également fait une victime au sol puisque l’avion a également percuté lors de son crash un chauffeur de moto-taxi ainsi qu’un camion qui transportait de la marchandise. On déplore, en plus des décès, plusieurs blessés, dont 5 dans un état grave qui ont tous été transportés à l’hôpital.

Cet accident vient réveiller les vieux démons et nous interpelle sur la sécurité aérienne dans notre pays. Est-il sûr de voyager en avion aujourd’hui en Haïti? Que vaut la sécurité aérienne dans notre pays? Dans quel état sont nos avions? Avec un état en crise et des institutions défaillantes, il est légitime de se poser toutes ces questions, et ce d’autant plus qu’avec la montée de la violence et des kidnappings orchestrés par les gangs, il devient de plus en plus difficile de voyager par la route entre les différentes grandes agglomérations du pays. Ainsi, les personnes qui en ont les moyens préfèrent prendre de petits avions pour aller d’une ville à une autre. C’était le cas du petit aéronef commercial qui s’est écrasé au niveau de Carrefour et qui devait relier Port-au-Prince à Jacmel. Après les motos-taxis, on voit aujourd’hui émerger les avions-taxis.

Avant toute analyse sur la situation du transport aérien dans notre pays, il convient de différencier les lignes intérieures des lignes extérieures. La raison en est que les exigences en matière de sécurité ne sont pas les mêmes. En effet, certains pays comme les États-Unis empêchent l’accès à leur territoire à des compagnies douteuses qui exploitent des ‘’avions poubelles’’. En somme, lorsque vous prenez un avion de Floride à destination de Port-au-Prince, qu’il batte pavillon haïtien ou américain, vous pouvez être sûr qu’il respecte les normes de sécurité américaines. Ce qui est une bonne chose et rassurant pour les passagers en proie au doute.

Par miracle, le secteur aérien est un des rares qui a échappé au chaos régnant dans notre pays. En termes de gestion de la sécurité, les autorités aéroportuaires collaborent avec les meilleurs groupes mondiaux dans le domaine. Ainsi, en fin d’année dernière, l’Office National de l’Aviation Civile Haïtien (OFNAC) a signé un partenariat avec AERONAV et Thalès, deux références mondiales (Canada et France) dans la gestion du trafic aérien et les télécommunications.

Aujourd’hui, les compagnies aériennes haïtiennes tirent leurs épingles du jeu s’agissant de sécurité. Il faut dire qu’elles n’ont pas le choix si elles veulent opérer vers des destinations où les réglementations en matière de sécurité aérienne sont très strictes, notamment aux États-Unis et dans les départements français d’Outre-mer (Martinique, Guadeloupe). À la défunte Air Haïti qui a cessé ses activités en 1982, notre pays a toujours été desservi de manière plus ou moins régulière par une multitude de compagnies aériennes étrangères, notamment Air France vers la France, Air Transat vers Montréal ou encore American Airlines vers Miami.

Localement, c’est la compagnie Sunrise qui est devenue le porte-drapeau national depuis 2010. Une autre compagnie, Haïti Aviation, a essayé de se faire une place lors de sa création en 2013, mais le projet n’a jamais véritablement décollé. Concernant Sunrise Airways, la compagnie dispose pour l’instant de deux avions en excellent état, un Airbus A320 et un Airbus A321, avec des capacités respectives de 180 passagers et 220 passagers. C’est en 2016 que Sunrise Airways a connu un nouveau tournant avec l’ouverture du marché américain après le feu vert donné par le Département des transports américain, ce qui prouve que la compagnie respecte toutes les normes de sécurité exigées.

Covid-19 oblige, la compagnie a dû ralentir pour un certain temps ses plans d’expansion, se contentant de desservir les pays limitrophes comme Cuba, la République dominicaine, la Jamaïque et les îles Turks-et-Caïcos, en plus des grandes villes haïtiennes que sont Jérémie, Les Cayes et Cap-Haïtien.

Si la sécurité des grandes compagnies nationales comme Sunrise Airways ne pose pas de problème, c’est principalement parce que leurs avions, souvent acquis en leasing, subissent des révisions de maintenance dans des centres agréés et certifiés, notamment à Santiago. Ce qui n’est pas toujours le cas pour les petites compagnies opérant sur le sol haïtien et qui relient les différentes villes du pays. Échappant à tout contrôle, ces petits avions volent sans que l’on sache vraiment si les visites de maintenance ont été effectuées dans les règles de l’art.

Ainsi, si prendre la route en ce moment en Haïti pour aller d’une ville à une autre présente un certain risque lié à la prolifération des gangs, prendre un avion commercial d’une petite compagnie n’offre pas plus de garantie en termes de sécurité. Une situation qui risque de ne pas changer de sitôt vu la déliquescence dans laquelle se trouvent nos institutions. Heureusement, l’office national de l’aviation civile continue à faire du bon travail malgré la conjoncture particulièrement défavorable.

Stéphane Boudin

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