Cela faisait des années qu’il narguait la police et terrorisait la population en Haïti. Criminel notoire au passé sulfureux, Arnel Joseph se faufilait comme une anguille entre les mailles du filet à chaque fois que la police pensait enfin pouvoir l’arrêter. Le chef de gang le plus recherché était à la fois craint pour sa brutalité et ses méthodes sanguinaires et devenait de plus en plus violent à mesure qu’il se croyait intouchable. Il aura fallu attendre qu’il aille se faire soigner dans un hôpital de la ville de Cavaillon (arrondissement d’Aquin) dans le département du Sud, pour que les forces de l’ordre lui mettent la main dessus.
Arnel Jospeh, chef de gang devenu ennemi public numéro 1
Arnel Joseph a vu sa notoriété publique grandir au fur et à mesure qu’il multipliait les exploits criminels sans que la police n’arrive à mettre le grappin sur lui. Pis, l’homme prenait un malin plaisir à défier les autorités publiques en les bravant à travers médias interposés. Il est allé jusqu’à déclarer lors d’un entretien radiodiffusé qu’il était en guerre avec la police et qu’il était prêt à en découdre. Il suffisait qu’un média annonce une entrevue en exclusivité avec Arnel Joseph pour voir son taux d’audience exploser. Pourtant, celui qui est devenu l’homme le plus recherché en Haïti n’est pas vraiment un enfant de chœur et sa célébrité devrait être considérée comme incongrue. Mais la population aime à voir des personnages qui mettent à nu les Il ne faut pas pour autant se leurrer, car au demeurant, cette même population était la première victime des méfaits d’Arnel Joseph qui est tout sauf un Robin des bois. Depuis son évasion de prison en 2017, le chef de gang a étendu ses activités criminelles en se diversifiant : rackets, enlèvements contre rançons, braquages, meurtres, viols, carjacking, attaques de bus et de commissariats, détournement de camions de marchandises… tout y passait. Le CV d’Arnel Joseph était bien chargé et n’avait rien à envier aux gangsters les plus célèbres, à l’image d’El Chapo au Mexique ou d’El Capone aux États-Unis.
Il devenait dès lors urgent de mettre Arnel Joseph derrière les barreaux avant qu’il ne devienne une ‘inspiration’ pour les jeunes. Dans un pays qui n’offre pas beaucoup de perspectives d’avenir et où le chômage bat son plein, surtout chez les moins de 30 ans, Arnel pouvait donner de mauvaises idées à une frange de la population désespérée qui cherche à s’en sortir par tous les moyens. D’autant plus que les frontières poreuses d’Haïti laissent passer des armes de différents calibres, des ‘outils de travail’ que les malfrats n’hésitent pas à utiliser pour arriver à leurs fins.
Arnel Joseph dénudé et exposé aux caméras lors de sa capture
Gédéon a le sourire depuis quelques jours, et il a toutes les raisons d’être satisfait puisqu’il a réussi à mettre la main sur l’homme le plus recherché en Haïti. Le 22 juillet, Arnel Joseph se rendait à l’hôpital Bonne fin (Cavaillon) dans le sud du pays pour soigner une blessure par balle reçue au niveau de la jambe suite à un affrontement armé avec un gang rival dans l’Arbonite. C’est là que la Police nationale d’Haïti (PNH) l’a appréhendé, non sans quelques difficultés. Il faut dire que le caïd était connu pour glisser entre les mains de la police comme une savonnette à chaque fois qu’elle croyait l’avoir cerné. Certains pensent qu’Arnel bénéficiait du soutien de taupes au sein même de la PNH, ce qui lui permettait d’anticiper toutes les opérations lancées contre lui.
Mais cette fois-ci, Arnel ne pouvait s’échapper, surtout qu’il était privé de l’usage de l’autre jambe. Depuis, des images de sa capture ont fait le tour des réseaux sociaux. On y voit ainsi le caïd du crime étendu par terre, nu comme un ver, le corps poussiéreux et le regard hagard avec les mains ligotées derrière le dos. Il n’en fallait pas plus pour que les organisations de défense des droits de l’homme montent au créneau et condamnent ce qu’elles considèrent comme un traitement inhumain et un lynchage médiatique savamment orchestré par les forces de l’ordre pour se venger de l’homme qui les a si longtemps humiliées. La PNH a reconnu implicitement que les vidéos montrant Arnel Joseph dans de telles postures étaient contre l’éthique, mettant cela sur le dos de la pagaille et du désordre engendrés lors de son arrestation.
Depuis, tout a été mis en œuvre pour que l’ex-chef de gang soit remis en forme le plus rapidement possible afin qu’il puisse répondre de ses nombreux crimes devant un tribunal. Héliporté sous haute surveillance par un engin mis à disposition par l’équipe des Nations-Unis présente en Haïti, Arnel a été conduit vers un hôpital pour recevoir les soins adaptés à son cas. Des rumeurs faisant état d’une avancée de la gangrène devant nécessiter une éventuelle amputation de la jambe du prisonnier ont vite été démenties par les autorités qui ont souligné qu’Arnel était soigné comme n’importe quel citoyen lambda malgré son passé criminel notoire. Il faut dire que quelques personnalités publiques voudraient bien voir le chef de gang plutôt mort que vivant afin qu’il emporte dans sa tombe de nombreux secrets compromettants.
Le passé sulfureux d’Arnel Joseph fait déjà trembler une partie de la classe politique
Gédéon, le directeur de la PNH, a lancé un message lourd de sens en affirmant qu’aucun criminel n’était au-dessus des lois, quelle que soit sa casquette politique. Le sous-entendu ne pouvait pas être plus clair. On pouvait aisément décrypter entre les lignes qu’Arnel était depuis toujours protégé et soutenu par une fraction de la classe politique et de personnalités publiques d’horizons diverses. Les raisons de cette protection demeurent obscures, mais elles seront bientôt éclaircies, on l’espère, par les investigations en cours. Il y’avait déjà eu le cas du chef de police Gabriel Faveur Désir, inspecteur principal du commissariat de Delmas qui a été accusé d’avoir été en contact permanent avec le chef de gang à qui il transmettait des informations sensibles. Le sénateur Garcia Delva a également été soupçonné d’avoir des liens étroits avec Arnel Joseph, une enquête sénatoriale ayant permis de mettre à jour plusieurs conversations téléphoniques entre le sénateur et le chef de gang. Et si la police arrive à délier la langue de ce dernier, nul doute que cela entachera la réputation de nombre de politiciens et d’hommes d’affaires et créera un scandale sans précédent. On sait depuis longtemps que les mafias pullulent dans le pays. Désormais, on a l’occasion de mettre un nom sur ceux qui contrôlent cette obscure nébuleuse criminelle aux ramifications complexes.
Les malfrats, ce ne sont pas seulement ceux qui prennent d’assaut nos rues arme à la main, mais ce sont également ceux qui agissent derrière les coulisses en soutenant, en manipulant ou en protégeant des bandes armées à distance. L’interrogatoire d’Arnel Joseph va ouvrir une boite de pandore au contenu potentiellement explosif qui risque de faire des ravages. Il est à parier que d’ici à la conclusion de l’enquête, beaucoup vont passer de longues nuits blanches en priant pour qu’Arnel ne se montre pas trop bavard.
DF/LE FLORIDIEN, 30 juillet 2019 de l’État et exposent son incompétence au grand jour, même s’il s’agit de brigands.