L’arbitre Qatari Al Jassim aurait dû y réfléchir à deux fois avant de siffler un pénalty inexistant en faveur du Mexique à la 2ème minute des prolongations lors de la demi-finale de la Gold Cup. Par sa décision injuste et précipitée, il a enterré les rêves de tout un peuple qui croyait dur comme faire en son équipe. Car les Grenadiers nous ont offert durant ce tournoi un football de qualité qu’on n’avait plus vu depuis l’époque de feu Emanuel Sanon, Henri Françillon, Philippe Vorbe et compagnie. À cette décision cruelle de l’arbitrage vient s’ajouter la malchance, puisque quelques minutes après le but litigieux du Mexique, les Haïtiens auraient pu revenir au score par l’entremise de Mikael Cantave qui voyait son tir s’écraser sur la transversale d’un portier mexicain battu. Voilà donc les Grenadiers qui quittent la compétition sur un sentiment mitigé. D’un côté, ils sont conscients qu’ils ont accompli un parcours exceptionnel durant cette quinzaine, mais d’un autre, se faire éliminer sur une faute imaginaire laissera incontestablement un amer goût de mission inachevée.
Les Grenadiers ont surtout montré une force de caractère incroyable durant la compétition. Sur les 4 premiers matchs qu’ils ont livrés, ils ont su renverser la vapeur à 3 reprises alors qu’ils étaient menés au score (face aux Bermudes 2-1, au Costa Rica 2-1, sans oublier la mémorable remontada face au Canada 3-2). Cette équipe a montré une belle maturité dans sa façon d’aborder les situations compliquées, surtout lorsque l’on sait que l’âge moyen de ses joueurs n’est que de 23 ans. Autant dire que le futur s’annonce prometteur pour cette formation qui a montré une bonne cohésion collective et une solidité à toute épreuve dans presque tous les compartiments du jeu. Le coach français des Grenadiers, Marc Collat, a aussi eu une main heureuse en faisant confiance à des joueurs qui n’étaient pas forcément les mieux placés pour occuper leurs postes respectifs sur le terrain. C’est notamment le cas du portier Johnny Placide qui, à 31 ans et sans club, a su prendre sa chance en effectuant un tournoi de haute volée (on dit d’ailleurs que des clubs mexicains seraient déjà prêts à le recruter suite à sa performance exceptionnelle lors de la Gold Cup). Les Grenadiers ont définitivement fait chavirer le cœur de centaines de milliers d’Haïtiens qui ne demandaient qu’à oublier pour quelque temps les difficultés auxquels ils doivent faire face au quotidien.
Le prochain rendez-vous de l’équipe nationale d’Haïti sera la ligue des nations de la CONCACAF. Les Grenadiers se trouvent dans un groupe D à leur portée puisqu’ils croiseront une nouvelle fois sur leur chemin les ticos du Costa Rica qu’ils ont déjà battu durant la Gold Cup, ainsi que Curaçao. Cette compétition nouvellement créée devrait permettre aux Grenadiers de se préparer pour aborder dans les meilleures conditions possibles les éliminatoires de la prochaine coupe du monde qui aura lieu au Qatar en 2022. L’échéance semble encore lointaine, mais c’est dés maintenant qu’il faut commencer à poser les jalons pour construire l’équipe sur de bonnes bases et espérer rééditer l’exploit de leurs ainés qui se sont qualifiés pour la Coupe du Monde de 1974 en Allemagne. L’équipe haïtienne de football regorge de talents. Mais ce qui fait sa force en ce moment, c’est surtout son mental et sa soif de vaincre. Des qualités qui ont charmé des centaines de milliers de supporters à travers le pays, mais qui ont également attisé la convoitise de certains politiciens qui ont voulu profiter de la bonne image dont bénéficient les Grenadiers pour redorer leur propre image.
Le premier à avoir flairé le bon coup n’est autre que le Président Moïse qui a vu là une opportunité en or pour s’afficher devant les nouveaux héros d’Haïti. À peine arrivés que les joueurs ont reçu une invitation pour se rendre au Palais Présidentiel. Après avoir eu une prime de 4000$ chacun avant leur match contre les Aztèques de la part de la Présidence, les voilà invités par le Chef de l’État qui tenait à les féliciter en personne pour leur parcours héroïque. Moïse a réitéré son admiration pour le groupe et son engagement pour la défense du drapeau national. Il aurait sans doute aimé avoir l’intégralité des joueurs autour de lui, mais il a dû se contenter de Nazon, Saba et Guerrier. Les réseaux sociaux eux n’ont pas manqué de tirer à boulets rouges sur le Président qu’ils considèrent comme un opportuniste qui veut juste améliorer sa côte de popularité en s’affichant devant les nouveaux héros de la nation. Personne n’est dupe. Si Moïse espère faire oublier les nombreuses pages du rapport de la Cour des comptes l’incriminant en usant de ce subterfuge de communication, c’est raté ! Une équipe aussi douée doit bénéficier d’installations professionnelles adéquates pour qu’elle puisse continuer à rivaliser avec les grandes nations du football. Si vous voulez vraiment remercier les Grenadiers Monsieur le Président, offrez-leur donc des installations sportives dignes de ce nom, avec un stade doté de vrai gazon et non pas de gazon synthétique afin que les joueurs puissent exprimer tout leur talent. À bon entendeur !
Dessalines FERDINAND