Pendant des décennies, la communauté scientifique a été intriguée par la faculté de certains sorciers haïtiens à pouvoir ressusciter les morts qui deviennent zombies. D’ailleurs, le mot zombie est un mot qui vient directement du créole haïtien et qui signifie esprit ou revenant. Dernièrement, dans un reportage inédit de la BBC, des scientifiques ont évoqué des pistes sérieuses qui pourraient enfin percer les secrets entourant cette pratique mystique qui trouve ses origines dans notre culture ancestrale.
De Michael Jackson à Clairvius Narcisse
On est en 1982. Michael Jackson vient de sortir un des albums les plus vendus de tous les temps : Thriller. Dans le vidéo-clip, on voit Michael Jackson accompagné de sa petite amie se transformer en zombie et entamer une danse légendaire avec d’autres zombies qui sont sortis d’un cimetière. Un moment culte de l’histoire de la musique pop qui va marquer toute une génération. Sauf que les fans de Michael Jackson sont loin de se douter que les zombies, il en existe vraiment et qu’il ne s’agit pas seulement de science-fiction.
C’est ce que nous montre une histoire incroyable qui a eu lieu deux ans plutôt en Haïti. C’est là qu’un certain Clairvius Narcisse s’approche un beau jour de sa sœur Agelina et commence à lui parler. Rien d’anormal diriez-vous. Sauf que Clairvius est censé être mort depuis 18 ans. Ceux qui ne voulaient pas croire à cette histoire ont alors dit que c’était certainement quelqu’un qui ressemblait physiquement à Clairvius et qu’il voulait tout simplement se faire passer pour lui. Sauf que lorsque Clairvius parle à sa sœur et au reste de sa famille, il raconte des choses que personne d’autre en dehors de la famille ne pouvait connaître. À partir de là, il n’y avait guère place au doute, Clairvius était clairement un “revenant”.
Or, les cas comme Clairvius, on en voit des centaines en Haïti chaque année. La résurrection des morts est une pratique qui n’est pas étrangère aux Haïtiens, avec un cérémonial qui se déroule suivant un protocole bien précis.
Enterré mort-vivant
Clairvius est mort à l’âge de 43 ans. Deux médecins, un américain et l’autre haïtien, ont dument signé le certificat de décès après que Clairvius ait été admis à l’hôpital américain Albert Schweizer de Deschapelles pour des douleurs et des crachats de sang. Le lendemain, Clairvius est enterré par sa famille qui pleure sa disparition. Mais une fois la nuit tombée, des individus sont venus ouvrir le cercueil où se trouvait la dépouille fraîchement mise à terre pour l’emmener chez un vaudou qui sera alors chargé de lui redonner vie. Et après l’administration d’une potion magique et incantation de prières mystiques, le miracle se produit! Clairvius est revenu à la vie.
Sauf que suite à cela, Clairvius disparaitra pendant 18 ans. Sa famille ne sait donc pas qu’il est toujours vivant. Une fois de retour chez lui après une si longue absence, les journalistes et les scientifiques vont s’intéresser à son cas. C’est là qu’il va raconter que lorsque les médecins l’ont déclaré mort et que sa famille pleurait autour de lui, il entendait tout, mais il ne pouvait pas bouger le petit doigt ni sortir le moindre son de sa bouche. Il était comme dans un coma profond. Tellement profond que même les médecins ont été bernés.
Après une enquête approfondie, il est apparu que la mise à mort arrangée de Clairvius a été ordonnée par des personnes qui lui en voulaient d’avoir abandonné sa descendance qu’il a eue avec plusieurs femmes.
La science se penche sur la composition de la potion magique
Comment une personne vivante peut-elle être déclarée morte? Pour répondre à cette question pour le moins existentielle, les scientifiques vont naturellement se tourner vers la drogue que l’on fait boire à la victime quelques heures avant sa mort. La drogue en question est un puissant poison que l’on retrouve dans le tétrodon, un poisson de mer qui a la forme d’un ballon. La tétrodotoxine, le nom du poison dont il tire son nom, est un anesthésique 160 000 fois plus puissant que la cocaïne. Pas étonnant qu’une fois absorbé par l’organisme, oralement ou par simple contact avec la peau, le corps humain se retrouve complètement paralysé, alors que ses organes vitaux comme le cœur tournent au ralenti. L’homme entre dans une sorte d’hibernation profonde qui s’apparente à un coma clinique. De sorte que lorsqu’un proche ou un médecin s’approche, il ne peut que constater le décès.
Une fois enterrée, la victime est ensuite récupérée dans les heures qui suivent avant qu’elle ne meure asphyxiée (pour vrai cette fois) dans sa tombe. On lui administre alors un antidote qui annihile l’effet du poison mortel. Sauf que lorsque la victime revient à la vie, ce n’est pas sans séquelles. Les fibres nerveuses peuvent être détruites, voire même parfois la langue ou le voile du palais. Le zombie a alors une voix lugubre qui rend le nouveau personnage encore plus “effrayant”.
Si la science a réussi à percer une part du mystère en établissant le rôle central que joue la tétrodotoxine dans le processus de zombification, il reste tout de même des zones d’ombre à éclaircir. Il y a en effet les ingrédients comme “l’herbe du diable” qui entrent dans la composition de l’antidote et qui peuvent provoquer des hallucinations, rendant dociles les zombies qui sont alors corvéables à merci. Ce qui est sûr, c’est que la culture vaudou a encore de beaux jours devant elle. Dans un pays où la justice étatique est gangrénée par la corruption et les passe-droits, les citoyens n’ont parfois d’autre choix que de se tourner vers la justice mystique.
Pour finir sur une note plus légère, une anecdote raconte qu’un journaliste étranger a questionné des Haïtiens croisés au hasard dans la rue et leur a demandé s’ils croyaient aux zombies, et tous ont répondu par l’affirmatif. Le journaliste leur a alors demandé des preuves pour étayer leur “croyance”. Et l’un des citoyens de répondre tout sourire : “il suffit de regarder un de nos politiciens parler, et vous aurez votre preuve”.
D. Ferdinand et Stéphane Boudin
LE FLORIDIEN, 25 mai 2021