La situation en Haïti est devenue incontrôlable. Tout le monde s’accorde à dire que la violence ne fait qu’empirer jour après jour dans notre pays. En cause, les gangs qui sévissent et instaurent la terreur au sein de la population. Racket, kidnapping, meurtres, cambriolages, trafics en tout genre… Les criminels usent de tous les moyens dont ils disposent pour gagner de l’argent facile. Mais si les gangs sont devenus si puissants en peu de temps, c’est principalement grâce à l’impressionnant arsenal de guerre dont ils disposent, à faire pâlir la Police Nationale d’Haïti (PNH).
Il se trouve que dernièrement, différentes enquêtes ont pointé du doigt le laxisme des autorités américaines, et plus spécifiquement celles de Floride, qui laissent filer sans contrôle une grande quantité d’armes vers Haïti. Certes, ce trafic se fait de manière illégale, à l’instar de ce qui se passe à la frontière mexicaine où les cartels de drogue mexicain comme font tranquillement leurs emplettes chez le voisin du nord qui ne trouve rien à y redire. Un commerce juteux pour les armuriers, mais tellement dévastateur pour les populations mexicaine et haïtienne.
Les États-Unis ont les moyens d’empêcher cette exportation meurtrière qui tue des milliers d’innocents. Si l’Amérique s’offusque que des drogues comme la cocaïne ou l’héroïne fait des ravages au sein de sa population, elle devrait aussi voir que ses armes font autant de ravages, sinon plus, dans d’autres pays limitrophes.
Pour revenir au cas du trafic entre la Floride et Haïti, il semblerait que l’exportation illégale d’armes s’est accentuée au cours des dernières années, ce qui expliquerait en partie l’augmentation exponentielle de la violence et le gain de confiance des gangs qui se sentent tout d’un coup invulnérable face à une police aux abois. Le pire est que de hauts responsables politiques haïtiens sont impliqués dans ces trafics, ce qui prouve une fois de plus la collision malsaine entre le monde politique et criminel dans notre pays.
Ironie du sort, si les États-Unis laissent passer des armes destinées aux gangs de manière illégale, elle empêche la livraison d’armes (légalement cette fois) vers les policiers haïtiens qui en ont grandement besoin. En effet, une restriction sur l’exportation d’armes vers Haïti a été imposée à la fin des années 90, empêchant ainsi d’équiper comme il se doit les agents de la PNH. Une situation aberrante qui interroge. Les États-Unis font-ils vraiment tout pour améliorer la situation en Haïti?
Le trafic d’armes à feu vers Haïti a atteint un tel niveau qu’il a supplanté celui de la drogue. Face à cela, ni le gouvernement Haïtien, et encore moins le gouvernement américain, ne semblent s’en émouvoir. Ce qui fait dire à certains que ce trafic a encore de beaux jours devant lui. Les gangs pourront continuer à se procurer des armes à feu de grande puissance capables de pulvériser une voiture, même blindée. Ainsi, il n’est pas rare que les douaniers débusquent des conteneurs remplis d’armes lourdes, comme les fusils d’assaut de calibre 50 qui sont censés être utilisés uniquement dans un cadre militaire, et qui se retrouvent pourtant entre les mains de criminels sanguinaires, à l’image du gang 400 Mawozo ou encore G-9.
Les experts indiquent aussi que ce trafic sera difficile à éradiquer tant le niveau de corruption reste élevé en Haïti. De même, on voit mal comment les États-Unis pourront interdire ce trafic s’ils n’arrivent même pas à mettre un terme à la vente d’armes sur leur propre territoire, un commerce responsable chaque année d’horribles tueries, notamment dans les écoles. Pour ainsi dire, Haïti a la malchance d’être limitrophe du plus grand fabricant et exportateur d’armes à feu au monde, les États-Unis. De sorte que les haïtiens n’ont plus qu’à se baisser pour se servir, légalement ou non.
Certes, le nombre de saisies a augmenté ces derniers temps, mais le chiffre global du trafic a augmenté encore plus. De même, les enquêteurs estiment que pratiquement la moitié des armes exportées illégalement vont vers les Caraïbes, dont une partie non négligeable vers Haïti. La raison principale à cela est que les Caraïbes sont en train de devenir ces dernières années un hub du trafic mondial de cocaïne. Pour ainsi dire, Haïti se retrouve une nouvelle fois dans l’œil du cyclone. D’ailleurs, ce trafic d’armes est particulièrement lucratif, puisqu’un fusil acheté à des centaines de dollars en Floride sera revendu 10 fois le prix en Haïti. Un tarif qui ne semble pas dissuader les gangs qui ont à leur disposition beaucoup de cash.
Avec tout cela, il ne faut pas s’étonner que les kidnappings augmentent dans notre pays. On en recense en moyenne 2 par jour (en tenant compte des statistiques officielles qui restent souvent loin de la réalité).
Il est donc plus qu’urgent que les États-Unis prennent des mesures radicales pour faire cesser ce trafic qui détruit Haïti et sa jeunesse, en espérant qu’il ne soit pas déjà trop tard.
Stéphane Boudin