Facebook, YouTube, Twitter, Whatsapp, Snapchat, Instagram… tous ces noms vous parlent certainement. Et pour cause, dans le monde super-connecté dans lequel nous vivons, ces plateformes digitales sont devenues des outils de communication incontournables pour un grand nombre d’entre nous. Les «réseaux sociaux» comme on les appelle de manière générique font partie du quotidien de nombreux Haïtiens. Si leur but premier est de faciliter la communication entre les individus, ils sont de plus en plus utilisés comme source d’information. Désormais, chacun peut donc communiquer avec ses proches et accéder à l’actualité qui l’intéresse 24h sur 24h, où qu’il soit, du moment qu’il dispose d’une connexion internet. Ce qui est une bonne chose en soi !
Mais gare aux excès. On remarque depuis un certain temps que de plus en plus d’Haïtiens sont devenus accros aux réseaux sociaux. Du matin au soir, ils ne cessent de pianoter pendant des heures sur le clavier de leur téléphone. L’effet pervers de cette nouvelle cyber-addiction, c’est qu’elle nous isole graduellement et finit par nous couper du monde réel. Ce qui est paradoxal pour des outils qui au départ, étaient censés favoriser la “socialisation”. À ce titre, plusieurs scientifiques commencent à tirer la sonnette d’alarme sur ce nouveau fléau qui devient un véritable enjeu de santé publique. Parmi les effets néfastes les plus répertoriés, on peut citer le déclin de la qualité du sommeil chez plusieurs sujets, l’augmentation de l’anxiété et de la dépression surtout chez les jeunes, la hausse de l’échec scolaire, la baisse de la productivité au travail.. et la liste est longue ! À l’ère du tout numérique, les réseaux sociaux conditionnent presque de façon pavlovienne la vie de certains, avec parfois de fâcheuses conséquences.
L’autre point noir est que les Haïtiens n’utilisent pas toujours les réseaux sociaux à bon escient. Beaucoup regardent pendant des heures des vidéos sans grand intérêt. La faute souvent à des titres trompeurs qui induisent les internautes en erreur. D’autres préfèrent chatter toute la journée au détriment d’activités plus bénéfiques comme le sport ou la lecture. Mais le plus inquiétant, c’est le déferlement d’informations de piètre qualité qui biaisent notre jugement et nous induisent souvent en erreur. Depuis quelques années, les réseaux sociaux sont même devenus des canaux de choix pour suivre les actualités. D’après les dernières statistiques, ils sont une source d’informations pour presque 50% des Haïtiens. C’est considérable ! Cela nous renvoie à la question suivante : les informations véhiculées par les réseaux sociaux sont-elles de qualité ? Et là, on ne peut que déplorer un constat mitigé.
L’action des utilisateurs des réseaux sociaux se limite principalement à recevoir, regarder et relayer. Aujourd’hui, les contenus les plus partagés sont ceux qui font du buzz. Le sensationnalisme a pris la place de la pondération et de l’analyse objective. L’émotion a détrôné la raison, et ceux qui étalent leur diatribe ont plus d’audience que ceux qui prônent la sagesse et le bon sens. À travers leurs méthodes, les médias sociaux contrôlent les nouvelles auxquelles nous avons accès. Ils sont devenus une sorte de rédacteurs en chef 2.0 qui décident de ce que nous devons voir ou ne pas voir. Pire, un article doit être ‘’liké’’ et partagé plusieurs fois pour se retrouver dans votre flux d’actualité. En quelque sorte, les médias sociaux et vos amis contrôlent les informations et choisissent à votre place. Et pour ne pas arranger les choses, les gens aujourd’hui ne lisent plus les articles, ils ne font que défiler leur fil d’actualité. Et lorsqu’un titre les intéresse, ils ne prennent en moyenne que 15 secondes pour survoler son contenu. On vit une époque où tout va vite, trop vite !
Mais le plus grand danger auquel doivent faire face les utilisateurs des réseaux sociaux, c’est la prolifération des fake news. La désinformation intentionnelle a atteint des sommets ces dernières années, poussant différents gouvernements à prendre des mesures pour essayer de l’endiguer, ou tout du moins atténuer son impact. Les fake news peuvent émaner d’individus, de compagnies ou pire, de pays rivaux qui ont pour seul but la manipulation de l’opinion publique. La dernière élection américaine est le parfait exemple du pouvoir de nuisance que ce phénomène peut avoir, puisque différentes investigations ont mis en lumière l’ingérence de puissances étrangères hostiles dans le processus électoral. Face à cela, les médias traditionnels, qui ont dû eux aussi s’adapter en s’investissant dans les réseaux sociaux, ont un rôle clé à jouer. Ils doivent plus que jamais redoubler de vigilance et faire office de barrière filtrante pour ne pas colporter malgré eux des informations fallacieuses. Il en va de leur crédibilité. Malheureusement, l’ère numérique a établi de nouvelles exigences, comme la transmission de plus en plus rapide de l’information et une recherche effrénée des scoops qui sont parfois diffusés presque en temps réel. Or ces pratiques ne sont pas toujours compatibles avec un journalisme responsable qui doit prendre le temps de vérifier ses sources afin de fournir des informations complètes et des analyses rigoureuses.
Tout cela montre à quel point les réseaux sociaux ont chamboulé nos vies ces dernières années. Sans aller jusqu’à jeter le bébé avec l’eau du bain, il convient de rester prudent et d’utiliser ces nouveaux moyens de communication avec sagesse et discernement. Cela concerne les adultes, mais surtout les jeunes, la génération Z, dont un grand nombre ont ouvert les yeux avec un smartphone entre les mains et n’ont pas la même perception des dangers que les réseaux sociaux peuvent représenter s’ils sont mal utilisés.
Stéphane Boudin