La ville de North Miami est devenue progressivement au cours de ces 20 dernières années le fief des Haïtiens de Floride. Près de 47% des 57 000 habitants qui composent la ville sont en effet originaires d’Haïti. Cette supériorité démographique sur les autres communautés s’est tout naturellement répercutée sur la composition du Conseil de la ville où la majorité des membres sont des élus haïtiano-américains. C’est notamment le cas du maire principal ainsi que de deux conseillers municipaux.
Les Haïtiens de Floride ayant massivement voté pour des représentants issus de leur communauté étaient en droit de s’attendre à un retour de l’ascenseur de la part ces mêmes représentants. Malheureusement, la réalité sur le terrain est toute autre. La faute à un manque de coordination et à une désunion flagrante entre nos élus. À croire qu’ils ont importé les mauvaises manières de nos politiciens restés en Haïti pour les appliquer ici en Floride.
Si l’on épluche l’historique des maires d’origine haïtienne et leurs adjoints qui se sont succédé à la tête de North Miami, on arrive à l’amère conclusion qu’aucune équipe n’a vraiment brillé par son union et par son travail d’équipe. Respect et estime pour ses collègues sont des valeurs rarement appliqués. Les dissensions entre les différentes personnalités publiques d’origine haïtienne sont un secret de polichinelle. Et cela finit immanquablement par avoir un impact négatif sur l’ensemble des résidents haïtiens dont ils sont censés défendre les intérêts.
On se souvient de la mésentente constante entre l’ancien maire Joe Celestin et l’ancien conseiller municipal Jean Monestime, ou encore des bisbilles récurrentes entre l’ancien maire André Pierre et le conseiller municipal Jacques Despinosse. Et que dire du cas plus récent du maire Smith Joseph qui n’a eu de cesse de se chamailler avec les conseillers municipaux Philippe Bien-Aimé et Alix Desulmé. Autant de conflits stériles qui plombent notre communauté au lieu de la tirer vers le haut.
Le 28 mai 2019, un ‘incident malheureux’ a mis à jour une fois de plus les querelles intestines qui minent les couloirs de l’hôtel de ville de North Miami. Le nouveau maire de la ville Philippe Bien-aimé, sorti grand vainqueur des dernières élections, prenait ses fonctions au cours d’une cérémonie solennelle de passation de pouvoir qui se voulait digne et fédératrice. Mais il a fallu qu’un homme vienne gâcher la fête en se distinguant par son… absence. Il ne s’agit ni plus ni moins que du maire sortant Dr. Smith Joseph qui n’a pas jugé opportun de faire le déplacement pour souhaiter en personne bonne continuation à son successeur.
Le maire sortant ayant aligné deux mandats consécutifs, il ne pouvait se représenter pour un troisième mandat comme le stipule le règlement électoral. Certains disent que le pouvoir l’a rendu aigri au fil des années, d’autres que c’est son inimitié envers le nouveau maire qui l’a poussé à ne pas venir. La vérité se cache sans doute un peu entre les deux. Toujours est-il, ce genre de comportement enfantin manquant clairement d’élégance ne fait que nuire à l’image de notre communauté.
Afin d’essayer de démêler le vrai du faux, de nombreux confrères journalistes ont essayé de joindre par téléphone Mr Smith Joseph pour qu’il puisse fournir des éclaircissements. Mais sans résultat. Des rumeurs ont été véhiculées, peut-être par l’équipe du maire sortant, autour de l’état de santé de Mr Smith qui serait déclinante. Mais cette explication n’a pas convaincu grand monde. Et ce d’autant plus que le véhicule du principal concerné, une MERCEDES-BENZ G SUV de couleur blanche, a été vue aux abords de l’enceinte de la mairie quelques heures à peine avant la cérémonie de passation de pouvoir. L’ancien maire Joseph était venu selon toute vraisemblance récupérer ses effets pour faire place à l’édile entrant de la ville.
Pour couronner le tout, si vraiment le maire sortant avait été indisposé pour une raison quelconque, la moindre des choses aurait été de le signaler par voie officielle. Ce qui n’a pas été le cas. Le geste de Mr Smith Joseph montre clairement qu’il visait uniquement à torpiller l’investiture de son successeur. Malheureusement pour lui, cela a provoqué l’effet inverse puisque c’est l’image même du maire sortant qui a été considérablement ternie, à en croire les commentaires de nombreux participants à cette cérémonie.
Vivement que le nouveau maire tire des leçons des erreurs du passé et ouvre un nouveau chapitre en matière de gouvernance. Un bon maire, c’est celui qui sort avec un degré de popularité supérieur à celui qu’il avait lorsqu’il est entré en fonction. Cette équation a semble-t-il échappé à Mr Joseph qui va certainement avoir des regrets lorsque l’histoire jugera ses faits et gestes.
Les Haïtiens de Floride disposent de tous les atouts pour prospérer encore davantage et s’imposer comme une des communautés les plus dynamiques de la région. Les élus qui sont sensés nous représenter doivent jouer le jeu au lieu de continuellement embarquer dans des querelles interminables qui portent préjudice à notre bien-être commun.
Dessalines FERDINAND