Le quartier de Little Haïti est connu non seulement pour son charme coloré et unique, mais aussi pour son attrait culturel évident. C’est un lieu animé qui abrite une communauté florissante dotée d’une histoire riche et vibrante. Les habitants de Little Haïti, toutes générations confondues, sont fiers de leur héritage culturel et de leur histoire. D’ailleurs, la renommée du quartier dépasse l’agglomération de Miami. Les touristes viennent des 4 coins des États-Unis pour découvrir cet endroit atypique avec ses rues vibrantes, ses restaurants, ses galeries d’art, sa danse, sa musique et événements culturels en tout genre. Car oui, lorsqu’on évoque Haïti, le premier mot qui nous vient à l’esprit c’est : culture.
Little Haïti est un véritable reflet de la culture haïtienne, offrant aux visiteurs une expérience immersive de ce que notre pays peut offrir. Certains vont jusqu’à dire que Little Haïti est d’une certaine façon “Haïti en miniature”. C’est en effet un lieu où les Haïtiens de Floride peuvent se reconnecter avec leur culture et leur héritage. Cela en fait un endroit spécial, où la culture haïtienne peut être ressentie et célébrée à chaque coin de rue.
Malheureusement, le ‘développement’ planifié pour ce quartier historique pourrait mettre en péril cette richesse culturelle unique aux États-Unis, voire dans le monde. Récemment, on voit de plus en plus apparaître des promoteurs immobiliers cherchant à mettre la main sur les meilleurs terrains pour y construire des logements, des hôtels et des bureaux flambants neufs.
Le propriétaire de la librairie caribéenne Libreri Mapou, Jan Mapou, en sait quelque chose. Cet homme a été un pilier du quartier pendant plus de trois décennies. Son magasin est en effet un des rares endroits à Miami où l’on peut encore trouver des livres à la fois en français et en créole. Mais maintenant, il craint que son commerce ne puisse résister longtemps aux grands projets de développement urbain qui se rapprochent inexorablement.
“Chaque jour, chaque minute, des gens me contactent pour savoir si je veux vendre”, explique-t-il à la chaîne Local10 venue l’interroger. Les promoteurs immobiliers cherchent à acheter son immeuble pour y construire de nouveaux projets immobiliers. Mais pour Mapou, cela signifie perdre à la fois son gagne-pain et son âme. Car oui, Little Haïti, ce n’est pas juste une question d’argent, mais c’est toute une histoire bâtie par plusieurs générations de migrants.
À une centaine de mètres du magasin de Mapou, les travaux préparatoires pour le “Magic City Innovation District” battent leur plein et n’augurent rien de bon. Le projet prévoit un mélange d’appartements, d’hôtels, de commerces et d’espaces de bureau. On dit même que le train pourrait passer par là. Toute cette frénésie spéculative a eu un impact sur le prix du mètre carré qui est monté en flèche ces dernières années. Une surchauffe immobilière qui a forcément eu des conséquences sur les loyers, pour les particuliers comme pour les commerçants.
Le propriétaire d’une petite boutique de confection ayant pignon sur rue fait partie des nombreux propriétaires qui se sentent pris à la gorge. “Je me sens comme dans une cage, c’est très difficile. Tout est devenu trop cher”, explique-t-il. Une résidente de longue date de Little Haïti, que l’on nommera Laura, a dû du jour au lendemain abandonner son appartement, car elle ne pouvait plus payer son loyer : “Le Covid a eu un impact sur ma santé et mon porte-monnaie. Je n’ai pas pu m’en remettre complètement. L’inflation a été la goutte de trop. Malgré l’aide de mes proches, je n’arrive pas à boucler les fins de mois”. Le cas de Laura est malheureusement loin d’être isolé.
Il n’y a pas que la hausse des loyers et les évictions qui préoccupent les résidents de Little Haïti. Ils craignent également que la culture unique du quartier ne soit menacée par les développements urbains. Signe qui ne trompe pas, le marché du Little Haïti Cultural Center a récemment été cité comme une structure dangereuse par la ville qui est elle-même propriétaire de l’immeuble. Face à la vigilance des citoyens qui ont senti les plans cachés de cette manœuvre, la ville a préféré faire marche arrière et a depuis corrigé les problèmes répertoriés.
À ce rythme, notre ami Jan Mapou se demande si le quartier de Little Haïti existera encore dans cinq ou dix ans. “Je ne sais pas ce qui va se passer”, dit-il. “Mais je suis sûr que quelque chose va se passer. Et ce ne sera probablement pas bon pour notre communauté.”
Il faut dire que pour les habitants de Little Haïti, leur quartier est bien plus qu’un simple lieu de résidence. C’est un symbole de leur héritage et de leur identité culturelle. Ils sont préoccupés par la possibilité de perdre leurs traditions et leur patrimoine culturel face à l’expansion urbaine. Ils craignent également que les projets de développement ne se fassent sans leur participation et sans prendre en compte leurs besoins et leurs préoccupations.
Mais il existe aussi d’autres résidents de Little Haïti qui voient des opportunités dans les projets de développement qui sont en train d’être mis en place. Ils estiment que ces projets pourraient créer des emplois et stimuler l’économie locale. Ils espèrent toutefois que les développeurs prendront en compte les besoins de la communauté et travailleront avec les résidents pour créer un quartier inclusif et respectueux de la culture.
Le débat sur le développement urbain et son impact sur les quartiers historiques et culturels n’est pas unique à Little Haïti. C’est un enjeu important dans de nombreuses villes à travers le monde, où la croissance économique et l’expansion urbaine peuvent entraîner la gentrification, la hausse des loyers et la perte de l’identité culturelle. La ville de New York en sait quelque chose!
Pour trouver une solution durable, il est important que les promoteurs immobiliers et les décideurs politiques travaillent en étroite collaboration avec les résidents locaux pour comprendre leurs besoins. Il est également important de préserver les bâtiments historiques et les lieux culturels qui font partie de l’histoire et de l’identité d’un quartier.
Jan Mapou et les autres propriétaires d’entreprises de Little Haïti méritent d’être entendus et d’avoir leur mot à dire dans les projets de développement urbain. Little Haiti est un quartier dynamique et culturellement riche qui doit être protégé et préservé pour les générations à venir.
Stéphane Boudin