Après la MINUSTAH et la MINUJUSTH, voici que l’ONU nous sort un nouvel acronyme : le BINUH, pour Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti. Les missions onusiennes en Haïti s’enchainent et se ressemblent. L’ONU semble plus que jamais perdue dans ses choix lorsqu’il s’agit de trouver une bonne façon d’aider Haïti à sortir de la crise profonde qu’il traverse depuis plusieurs décennies. Les membres du Conseil de sécurité ont créé cette nouvelle mission sans véritablement y croire. La République dominicaine et la Chine ont exprimé leur réserve sur la pertinence de ce nouveau bureau qui risque de se casser lui aussi les dents sur la dure réalité locale. Les représentants de ces deux pays se sont donc abstenus lors du vote, la Chine n’ayant pas opposé de véto pour ne pas tuer dans l’œuf ce mince fil d’espoir. Une façon diplomatique pour dire : ‘on vous aurait prévenus, mais bonne chance tout de même’.

Mais quel rôle au juste est censé jouer le BINUH ? La communauté internationale pense que le mal doit être traité à la racine. La tâche du BINUH sera donc de conseiller les autorités locales pour améliorer la gouvernance, organiser des élections qui soient plus transparentes et justes, aider à mieux combattre la corruption et la violence, ou encore pour rénover des domaines clés comme la justice ou les droits de l’homme. Tout ce beau programme sera chapeauté par un représentant spécial du secrétaire général qui rapportera les avancées dudit mandat. Si sur le papier, le plan semble attrayant, sur le terrain, cela risque d’être un peu compliqué à mettre en place. À cela, 2 raisons majeures : la méconnaissance des réalités locales par les personnes qui ont rédigé cette résolution, et aussi l’exclusion de la société civile du projet, alors que celle-ci peut apporter une précieuse aide en éclairant les conseillers étrangers du BINUH sur les points faibles et forts du pays.

L’autre point d’achoppement lors de l’adoption de la résolution concernant Haïti concerne les moyens dont disposera ce nouveau bureau pour mener à bien sa mission. Fidèles à la doctrine imposée par Trump depuis son accession à la Maison-Blanche, les États-Unis veulent réduire la taille de la mission à son strict minimum. Les autres nations ont condamné cette vision étroite qui ne tient pas compte des vulnérabilités du pays sur le plan politique, économique, sécuritaire, social, voire même climatique.

Mais d’un autre côté, il faut bien reconnaître qu’aussi longtemps qu’on aura des gens malhonnêtes à la tête de notre pays, il nous sera difficile de demander aux autres nations de nous accorder des aides financières, puisque le peuple ne verra jamais la couleur de cet argent. Avant toute chose, il nous faudra donc nettoyer la base en écartant des centres décisionnels toute personne impliquée de près ou de loin dans des détournements de fonds et les malversations. Moise par exemple a été récemment éclaboussé par le rapport de la cour supérieure des comptes qui a émis de sérieux doutes sur sa probité. Face à de telles accusations graves, n’importe quel homme d’État qui se respecte devrait démissionner. Car la fonction suprême impose d’avoir un dirigeant irréprochable avec un casier immaculé et dénué de tout soupçon. Malheureusement, nos politiciens n’ont pas encore atteint ce stade de maturité. En Haïti, le pouvoir n’use que ceux qui n’en ont pas.

Pour revenir à l’ONU, les experts soulignent que le mandat de sa mission en Haïti devrait être inclusif pour espérer avoir des résultats positifs. Les objectifs de la MINUJUSTH n’ont pas été atteints que voilà déjà un autre organe créé de toute pièce pour le remplacer. Plus politisé et plus orienté vers le conseil plutôt que vers la formation, le BIUTH semble être une coquille vidée de son contenue. Quant aux Américains, s’ils ont en partie raison de ne pas donner un chèque en blanc à nos dirigeants qui ne le méritent certainement pas, mais ils ne devraient pas non plus abandonner complètement Haïti à son propre sort. Car un Haïti mal en point va d’une manière ou d’une autre affecter les intérêts américains sur le plan sécuritaire, économique et migratoire.

Le problème majeur que rencontrent les organisations internationales lorsqu’elles veulent intervenir en Haïti, c’est qu’elles ne disposent pas sur place d’un interlocuteur qui soit fiable, crédible et digne de confiance. Chaque donateur doté d’un minimum de bon sens comprendra que verser de l’argent directement au gouvernement haïtien, c’est avoir l’assurance de voir cet argent s’évaporer sans explications. Et la mission de l’ONU qui réussira à mettre un terme à ce fléau n’est pas prête de voir le jour de sitôt, car le talent de nos dirigeants pour détourner les fonds semble dépasser, et de loin, les compétences des experts onusiens les plus chevronnés.

Dessalines Ferdinand

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