Par Dessalines Ferdinand

Le gouvernement du Premier ministre Dr. Jack Guy Lafontant vient de subir un léger remaniement le mois dernier. Pas moins de cinq nouveaux ministres font leur entrée dans l’équipe gouvernementale chargée de gérer les affaires de la nation. Parmi les nouveaux titulaires des postes ministériels, un semble attirer des regards curieux des fils et filles du pays qui résident à l’extérieur. Il s’agit du ministre des Haïtiens vivant à l’étranger, M. Guy André Junior François.

Ce ministère d’une ‘nullité absolue’ représente aux yeux de nombreux citoyens un gaspillage d’argent, tant il a brillé par son inefficacité et son inertie. Depuis sa création en 1994 (au retour de l’exil de l’ancien président Aristide), il n’a jamais su remplir son rôle principal qui est d’être un organe servant d’interface entre l’exécutif et les compatriotes vivant à l’étranger. Malgré leur attachement pour leur pays d’origine et leur énorme contribution à son économie, les Haïtiens vivant à l’étranger continuent à se sentir oubliés par les différents gouvernements qui se sont succédé au pouvoir sans jamais prendre en compte de manière concrète leurs besoins.

À contrario, les gouvernements persistent à considérer la diaspora haïtienne comme une simple ” vache à lait ” qu’il faut traire à satiété. En effet, au lieu d’intégrer cette communauté dynamique et motivée dans les affaires du pays, nos dirigeants, en de véritables démagogues, n’ont réussi qu’à créer des projets de loi pro-diaspora qui ne voient jamais le jour. Dans le meilleur des cas, quand bien même une loi est votée, c’est son application qui fait défaut.

Les Haïtiens de l’extérieur sont plutôt marginalisés par les autorités haïtiennes. Ce sont d’ailleurs souvent eux les principales victimes de l’insécurité foncière; ils sont forcés de payer des tarifs douaniers exorbitants alors qu’ils sont là pour investir, aider à faire tourner l’économie et créer des entreprises avec des milliers d’emplois à la clé.

De la chanteuse-activiste pro-lavalas Farah Juste (premier titulaire de ce ministère) jusqu’à Dr. Stephanie Auguste, la prédécesseure du ministre actuel, en passant par Pieriche OLICIER, Robert Labrousse, Daniel Supplice, François GUILLAUME II, tous ces ministres n’ont laissé aucun bon souvenir de leur passage à la tête de ce département chez la population haïtienne de l’extérieur, bien qu’ils aient pour la plupart des racines en diaspora, le cas de Juste, Olicier et Guillaume.

La nomination de Guy André Junior François comme ministre des Haïtiens vivant à l’étranger a été accueillie avec une certaine satisfaction, vu que le nouveau titulaire connaît bien la diaspora et ses exigences. De plus, il est familier avec les rouages et les subtilités du microcosme politique haïtien, une qualité qui pourrait lui permettre de mieux faire entendre la voix de la communauté haïtienne vivant à l’extérieur et de répondre à ses revendications somme toute légitimes. Pour la petite histoire, M. François, également connu sous le surnom de ‘T-Guy’, était un promoteur de soirées dansantes dans le monde Entertainment haïtien à Miami. Il est le fils de feu le colonel Guy François et a déjà occupé par le passé la fonction de vice-consul, responsable notamment des affaires culturelles et touristiques du consulat d’Haïti à Miami.

Sur les ondes des stations de radios haïtiennes et dans les cercles sociopolitiques de Miami, la nomination de M. François est commentée avec un certain enthousiasme. C’est peut-être l’une des rares fois qu’un titulaire nommé à la tête du Ministère des Haïtiens vivant à l’étranger reçoit un taux raisonnable d’approbation de la part des membres de la diaspora, particulièrement les Haïtiens résidant dans le sud de la Floride. Les premières impressions sont pour la plupart élogieuses et placent un grand espoir en la capacité du nouveau titulaire de travailler dans l’intérêt des membres de la diaspora.

” Il vaut mieux que ça soit lui (Guy François) plutôt qu’une autre personne. Au moins, il connaît le milieu,” a réagi le blogueur journaliste Jonel Juste dans le forum WhatsApp du groupe ‘Haitian American Media’ à l’annonce de la nomination.

Bien qu’il ne supporte pas l’existence d’un tel ministère, arguant que c’est du non-sens puisque le ministère des Affaires étrangères pouvait tout aussi bien dédier une section pour s’occuper des affaires des Haïtiens vivant à l’étranger, Evens Saint-Louis, qui intervenait suite à cette nomination à l’émission ‘On The Air’ (animée par le journaliste Patrick Eliancy sur Island TV) ne critique pas pour autant le choix de Mr François. Cela dit, il ne s’attend pas non plus à un résultat extraordinaire, car, dit-il, ce ministère fait toujours face à des problèmes de budget. Or on sait que l’argent et une bonne gouvernance constituent le nerf de la guerre dans ce genre de département. Le commentateur politique termine son intervention en souhaitant tout de même bonne chance au nouveau ministre François. ” T Guy est un membre de la communauté avant tout ! “, a-t-il conclu.

S’il fallait retenir une chose du passage de M. Guy André Junior François à la tête de la section culturelle et touristique du Consulat général d’Haïti à Miami, c’est qu’il a toujours fait preuve de dynamisme quand il s’agissait de connecter le gouvernement central avec les Haïtiens du sud de la Floride.

On se souvient par exemple qu’il avait tenté à maintes reprises de relier l’Association Touristique d’Haïti avec les Haïtiens de l’extérieur à travers les différents médias de la diaspora. Il a également guidé de nombreuses délégations de groupes d’entrepreneurs en visite d’affaires en Haïti et leur a permis de nouer des contacts fructueux avec les autorités et les différents acteurs du monde économique local.

À un moment où les membres de la diaspora ne jouissent d’aucun privilège en tant que fils et filles authentiques d’Haïti, et où les autorités du pays (passées et présentes) n’ont toujours pas fait montre d’un minimum de respect pour leur énorme support apporté à la mère patrie, particulièrement sur le plan économique, il est de bon augure d’espérer au moins un retour d’ascenseur de la part du nouveau ministre Guy François Junior, surtout que c’est quelqu’un qui connait très bien les difficultés et les problèmes auxquels font face ses concitoyens expatriés.

Le remplacement de Mme. Stéphanie Auguste à la tête du ministère des Haïtiens vivant à l’étranger devenait une nécessité pressante, tant cette dernière a brillé par son absence, laissant la communauté haïtienne à l’étranger livrée à elle-même. À titre d’exemple, au carnaval national qui s’est déroulé récemment à Port-au-Prince, il fallait voir comment les responsables de ‘Island TV’ et de Radio Mega, pourtant deux institutions respectables et qui sont devenues des acteurs incontournables dans le paysage médiatique haïtien de la Floride, ont dû se battre pour trouver un petit espace au Champs-de-mars afin de monter leur stand et pouvoir retransmettre en direct les festivités des trois jours gras. Et cela en dépit du fait qu’ils devaient payer des tarifs exorbitants, sans considération ni aide en retour. On se demande si la ministre d’alors (Stéphanie Auguste) avait eu la décense de rendre une petite visite aux différents stands des médias venant de l’étranger, et encore moins de les assister pour qu’ils puissent faire leur travail dans de bonnes conditions.

Le mercredi 25 avril 2018, le nouveau ministre des Haïtiens vivant à l’Étranger et les membres de son cabinet particulier ont rencontré tous les membres du personnel du ministère dans le but de les inviter à travailler harmonieusement afin de créer un nouveau dynamisme plus constructif. Les échanges portaient entre autres sur le fonctionnement interne de l’institution et sa mission en tant qu’organe gouvernemental de liaison avec la diaspora.

Le nouveau ministre n’aura certes pas la tâche facile, mais de son action dépendra la survie de son département. Nous ne sommes pas sûrs que Mr. François soit en mesure d’apporter des réponses concrètes à l’ensemble des besoins des membres de la diaspora au cours de son mandat, mais nous voulons croire qu’il insufflera un vent de fraîcheur et remettra à plat le fonctionnement d’un ministère qui est à l’agonie depuis sa création. Mr François devra en outre résoudre certains problèmes que doit affronter constamment la diaspora, notamment lorsqu’il s’agit d’investir ou de faire des affaires en Haïti. Cela ne saurait se faire sans une coordination étroite avec les autres ministères du Gouvernement, celui-ci étant appelé à fournir une approche globale pour mieux servir les enfants d’Haïti qui vivent à l’extérieur.

Enfin, nous pouvons dire que le nouveau ministre Guy André Junior François n’a pas droit à l’erreur, surtout qu’il est lui-même issu du milieu de la diaspora dans lequel il a évolué pendant de longues années. S’il échoue comme ceux qui l’ont précédé, s’il n’arrive pas à marquer son passage avec un minimum de réalisations concrètes et viables, alors le gouvernement devra prendre ses responsabilités et supprimer un ministère fantoche qui ne fait qu’engloutir l’argent du contribuable d’année en année sans rien apporter en retour. Évidemment, pour éviter d’en arriver là, le gouvernement doit doter le ministère des Haïtiens vivant à l’étranger de moyens conséquents pour qu’il puisse opérer efficacement, en commençant par un budget raisonnable.

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