Le samedi 14 août au petit matin, le sud-ouest d’Haïti a été réveillé par un puissant séisme de 7,2 sur l’échelle de Richter. Alors que le traumatisme du tremblement de terre de 2010 est encore présent dans tous les esprits, dame nature est venue compliquer un peu plus le quotidien déjà difficile des Haïtiens qui doivent supporter en plus la violence quotidienne des gangs ainsi qu’une crise socio-économique et politique qui ne cesse de s’accentuer. En l’espace de quelques secondes, des dizaines de milliers de familles se sont retrouvées sans toit et ont dû se résoudre à dormir à la belle étoile. Avec cette catastrophe naturelle, c’est un nouveau cauchemar qui commence.
Un tremblement de terre destructeur suivi de plusieurs répliques
Les Haïtiens savent qu’ils vivent sur une terre instable qui peut trembler à tout moment pour transformer leur maison en ruine. C’est ce qui est arrivé ce samedi 14 août à 8:29 du matin. Les mouvements de plaques tectoniques ont une fois de plus surpris de nombreux habitants qui faisaient ce jour-là la grasse matinée. L’épicentre de la secousse a été localisé à une profondeur de 10km dans la commune de Petit-Trou-de-Nippes, non loin de Les Cayes. Quelques minutes après la secousse, l’Institut d’études géologiques des États-Unis est le premier à réagir. Il décrit une secousse forte de l’ordre de 7,2 sur l’échelle de Richter, laissant présager un lourd bilan humain et des dégâts matériels importants. Toute de suite après, une alerte au tsunami est émise avant d’être levée dans la foulée.
Le tremblement de terre a été suivi par plusieurs répliques, ce qui n’a fait qu’accentuer l’angoisse des rescapés qui n’osaient plus retourner chez eux. Car les fortes secousses ont fait d’énormes dégâts matériels sur presque l’ensemble de la région sud-ouest. Les bâtiments éventrés ou entièrement détruits se comptent par dizaines de milliers. Au moment où nous écrivons ces lignes, on déplore pas moins de 2200 morts, plus de 12000 blessés et quelque 60.000 logements détruits et 76.000 autres fortement endommagés. Cela sans parler des lieux de culte, des hôpitaux, des centres de polices, des commerces et autres bâtiments réduits en gravas en une fraction de seconde. Parmi les victimes, on compte quelques personnalités, comme l’ancien sénateur et maire des Cayes, Gabriel Fortuné, qui a rendu l’âme sous les décombres de l’hôtel Le Manguier des Cayes où il séjournait.
Des aides qui mettent du temps à se mettre en place
Comme tout le monde sait, Haïti traverse une période assez difficile et instable sur tous les plans. Notre pays est passé à deux doigts d’un chaos général suite à l’assassinat du Président Jovenel Moïse. Ariel Henry, nouvellement nommé Premier ministre, se veut être l’homme du renouveau et du changement. Mais à peine a-t-il pris ses fonctions qu’il doit déjà faire face à un défi majeur, celui d’éviter une nouvelle crise humanitaire liée au séisme. Ariel Henry sait que les moyens dont il dispose sont limités. Les hôpitaux manquent de tout et ne peuvent prendre en charge tous les blessés qui affluent par centaines tous les jours. Le gouvernement a donc immédiatement lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle lui vienne en aide.
Plusieurs pays ont répondu présents dès les premiers jours. On peut citer notamment les États-Unis, mais aussi le Canada, l’Argentine et le Mexique, en plus des Nations-Unies qui ont demandé au Brésil d’envoyer des troupes des corps des Marines brésiliens pour assurer l’acheminement à bon port des vivres et garantir la sécurité des secouristes. Car si plusieurs pays hésitent à envoyer des sauveteurs et des équipes médicales, c’est principalement par crainte de les voir kidnappés par les gangs qui pullulent dans le pays. La République dominicaine a ainsi été la première à conditionner l’envoi de ses médecins par une garantie sécuritaire de la part des autorités haïtiennes.
Lors des premiers jours de recherches sous les décombres, on a pu assister à quelques miracles avec le sauvetage inespéré de 20 adultes et 4 enfants qui étaient portés disparus. Petit à petit, l’aide internationale a commencé à s’organiser, mais pas assez vite au goût des sinistrés qui n’ont ni à boire ni à manger et qui commencent à s’impatienter. À tel point qu’on a assisté ça et là à des débordements inédits avec des attaques menées par des citoyens mécontents. Ils ont pris pour cible des convois humanitaires afin de se ‘servir’ directement au lieu d’attendre une redistribution des vivres qui tarde à venir. Cette mini-révolte populaire trouve son origine dans le peu de confiance qu’ont les Haïtiens en leurs institutions. Beaucoup pensent en effet que les aides peuvent être à nouveau détournées par les vautours qui profitent du malheur des autres pour s’enrichir sans vergogne. Les habitants n’ont donc cessé d’exprimer leur frustration et leur tristesse face aux lenteurs alors qu’il y a urgence. Ariel Henry a promis de ne pas répéter les fautes commises par le passé concernant la gestion et la coordination des aides, mais cela n’a pas estompé pour autant le scepticisme de la population qui reste marquée par les loupés lors de l’apocalypse de 2010.
Qu’à cela ne tienne, la Police nationale a vite été mise à contribution pour assurer l’acheminement des aides vers les régions les plus touchées. Plusieurs routes ont ainsi été sécurisées afin d’éviter tout débordement de la part de la population, mais surtout pour tenir les gangs à distance. Par ailleurs, les hôpitaux se sont vite retrouvés débordés. Des rangées de brancards et de lits ont été disposées à l’extérieur faute de place. Une situation difficile qui allait vite devenir insoutenable après le passage de la tempête tropicale Grace. Cette dernière n’a pas arrangé les choses sur le plan sanitaire, en plus de compliquer les recherches d’éventuels survivants. Preuve en est, alors que la dépression tropicale a commencé à déverser des pluies torrentielles, le nombre de morts a subitement grimpé en flèche.
Haïti a plus que jamais besoin d’une assistance internationale forte et soutenue
Par malchance, le séisme a eu lieu à un moment où le monde est confronté à la pandémie du Covid-19. Depuis l’apparition du variant indien delta, les ressources humaines et matérielles de nombreux pays sont mobilisées à pleines capacités. Ainsi, beaucoup de pays n’ont pas été en mesure d’envoyer les aides qu’ils auraient envoyées en temps normal. Heureusement, il n’y a pas que les États pour assister Haïti. Les ONG, les artistes, les sportifs et autres célébrités ont joint leurs efforts pour avoir un réel impact sur le terrain. Dolphins de Miami, Patriots, Naomi Osaka, Metallica, Rihanna, Cardi B, Wyclef Jean n’ont pas ménagé leurs efforts pour sensibiliser l’opinion internationale sur l’urgence de la situation que traverse Haïti en ce moment.
Lorsque des catastrophes d’une telle ampleur se produisent, il est important de savoir gérer le temps. Il faut faire vite pour sauver le plus de vies possible et canaliser l’aide internationale. Car bien souvent, après le choc des images des premiers jours, l’émotion s’estompe petit à petit pour laisser la place à l’oubli et à l’indifférence. Haïti en sait quelque chose puisque notre pays continue de ressentir l’impact du séisme de 2010. C’est dire si certaines blessures mettent beaucoup de temps à cicatriser. Heureusement, Haïti peut aussi compter sur le soutien indéfectible de ses enfants établis à l’étranger, à l’image de la diaspora de Floride qui n’a pas tardé à réagir pour venir en aide à son pays d’origine. Après la débâcle de l’aide humanitaire en 2010, les Haïtiens de Floride craignaient de voir les mêmes erreurs se reproduire. Tout donc a été fait pour que l’aide arrive vraiment à ceux qui en ont vraiment besoin. Mieux que ça, la diaspora a tout mis en œuvre pour impliquer les Haïtiens afin qu’ils puissent s’autogérer et s’affranchissent autant que possible de l’assistanat des autres pays. Comme dit un proverbe asiatique : ‘’lorsque tout va bien, on peut compter sur les autres, mais quand tout va mal, on ne peut compter que sur sa famille’’.
Dessalines Ferdinand
LE FLORIDIEN, 31 AOÛT 2021