Tout le monde a en mémoire les larmes de joie, puis le sourire flamboyant de Naomi Osaka après sa victoire lors du dernier US Open, quand elle a affronté dans un match épique la championne américaine Serena Williams qui a bu le calice jusqu’à la lie en ce 8 septembre 2018 inoubliable. Aujourd’hui, la jeune joueuse de tennis de 21 ans, qui pointe désormais à la 5ème position dans le classement WTA avec 5115 points, a tenu sa promesse de poser ses pieds sur la terre de ses ancêtres. Accompagnée par son père Leonard François, qui rappelons-le est lui-même originaire de Jacmel, elle a foulé le sol haïtien ce mardi 6 novembre pour une visite de 4 jours durant laquelle elle compte rencontrer la population et les dirigeants du pays et partager avec eux le bonheur engendré par son récent sacre au tournoi majeur de Flushing Meadows à New York.
Osaka reçue avec les honneurs dans son pays paternel
Que ça soit sur le revêtement bleu caractéristique du court Arthur Ashe où elle a remporté son premier trophée de Gran Chelem, ou sur le tarmac de l’aéroport international Toussaint Louverture de Port-au-Prince où elle a été accueillie comme un chef d’État, Osaka Naomi garde toujours ce même sourire à la fois zen et contagieux. Sur invitation du Président de la République en personne, et accompagnée de toute sa petite famille (son père, sa mère et sa sœur ainée), Naomie a foulé le sol national pour renouer avec ses origines ancestrales et communier avec une population qui lui voue admiration et respect pour son parcours tennistique exceptionnel qui fait la fierté de tout un pays.
Naomi est arrivée dans un avion privé spécialement affrété pour l’occasion, un biréacteur Hawker 800. Dès sa descente du jet, elle est reçue par des officiels et des journalistes qui tenaient à immortaliser ce moment historique avec leurs caméras. Après un échange de salutations et d’amabilités d’usage, un bouquet de fleurs de bienvenue lui a été offert pour l’occasion.
Par la suite, le ministre des Affaires étrangères, Mr Bocchit Edmond, a tenu à féliciter Osaka pour sa récente victoire qui a comblé de bonheur nombre de ses compatriotes : « Naomie mérite un accueil dû à son exploit… Naomie n’est pas seulement une fille du Japon adoptée par les États-Unis, mais elle est aussi une fille d’Haïti, le sang haïtien coule aussi dans ses veines ». Le ministre a également tenu à souligner comment la jeune championne représente aujourd’hui un exemple à suivre pour les joueuses et les joueurs de tennis en Haïti, mais aussi pour les sportifs et la jeunesse haïtienne en général qui peut trouver en elle une source d’inspiration. Il faut rappeler que Naomie n’en est pas à sa première visite, et qu’elle avait déjà eu l’occasion par le passé de voyager en Haïti (2017) où elle était notamment venue encourager les jeunes joueurs de tennis locaux et soutenir le travail accompli par la Fédération haïtienne de Tennis. À l’époque, elle avait tenu à souligner ses liens solides avec ses racines paternelles, qui s’expriment par exemple à travers la gastronomie haïtienne dont elle raffole.
Qui aurait pu penser qu’une année plus tard, cette athlète timide et peu loquace allait être reçue avec les honneurs par tout un peuple. Aujourd’hui, pour sa deuxième visite, le Président Moïse lui a ouvert les portes du Palais national lors d’une cérémonie où il a exprimé sa reconnaissance envers la jeune lauréate du dernier Us Open. Le Chef de l’État a profité de l’occasion pour partager ses connaissances sur le tennis et a avoué être lui-même un grand fan de ce sport. Il a aussi loué l’abnégation et le dévouement de Leonard François et de son épouse pour leurs enfants : « Rien ne se fait dans la vie sans sacrifices. ». Extrapolant son discours vers la jeunesse haïtienne, il a tenu à rappeler que ce n’est qu’avec le travail qu’on obtient des résultats : « jeunesse de ce pays… c’est au prix de dur labeur que vous allez réussir, rien n’est facile dans cette vie ».
Pour remercier le Président de la République pour son accueil chaleureux et ses belles paroles, et pour rendre hommage au peuple haïtien dans son ensemble, Naomi a tenu à offrir sa raquette de tennis avec laquelle elle a terrassé la championne américaine Serena Williams.
Une ambassadrice d’Haïti à travers le monde
En fin diplomate, Jovenel Moïse a profité de la réception organisée en l’honneur de Naomie Osaka pour nommer cette dernière Ambassadrice de bonne volonté d’Haïti pour la promotion du sport haïtien. La joueuse professionnelle a également reçu des mains du Chef de l’État une plaque d’Honneur rappelant son apport dans le rayonnement du pays grâce au tennis.
Il n’en fallait pas plus pour que certaines mauvaises langues commencent à se délier afin de critiquer cette nomination. Dans un pays coutumier des polémiques et des controverses, cette élévation de Naomie au rang d’ambassadrice a créé des jaloux aigris qui ont trouvé là du pain bénit pour lancer leurs critiques acerbes habituelles. Mais savent-ils au moins ce que la fonction d’ambassadrice de bonne volonté implique ? Point de rémunération, de voiture de fonction ou de rétribution quelconque. C’est un titre honorifique où une personne de renommée prête son nom pour une cause donnée. Dans le cas présent, Naomie va contribuer à faire rayonner Haïti sur la scène sportive internationale grâce à ses performances dans le circuit professionnel de tennis féminin (WTA). Comble de l’ironie, la jeune joueuse d’à peine 21 ans a déjà donné au pays plus que certains de ces critiques l’ont fait au cours de toute leur vie. De quoi remettre leurs médisances malveillantes en perspective !
Le sport, un instrument du “soft-power” encore sous-exploité en Haïti
Haïti a pendant longtemps négligé le sport et la culture comme outil pouvant faire rayonner le pays sur la scène internationale. Or, quelques exemples éloquents sont là pour montrer à quel point des petits États ont su tirer profit de la promotion de leur musique ou des exploits de leurs athlètes. Citons par exemple la Jamaïque avec ses sprinteurs et ses musiciens reggae légendaires, ou encore le Qatar qui utilise l’investissement dans le sport comme une force de frappe pour imposer son nom sur la scène mondiale, alors que la population totale du pays n’atteint même pas les 3 millions d’habitants (dont 300.000 autochtones).
Haïti a donc tout intérêt à ne pas tourner le dos à la diplomatie sportive qui peut avoir des retombées positives non seulement en termes d’image, mais également sur le plan économique. Dans un monde où la communication joue un rôle crucial, il est plus que jamais temps d’accompagner nos jeunes champions, car c’est un investissement qui peut rapporter gros au pays dans le futur. Cela fait des décennies que le sport a quitté la sphère amateur pour devenir un véritable enjeu économique. Le Président l’a bien compris en sautant sur l’occasion pour nommer Naomie Ambassadrice de bonne volonté. Il vient de prouver qu’il sait lui aussi manier la petite balle jaune avec talent.
DF/LE FLORIDIEN