L’ex-Président Jovenel Moïse a été lâchement assassiné il y a un peu plus d’un an dans sa résidence privée, alors que sa femme et ses enfants ont échappé de juste à l’attaque menée principalement par des mercenaires colombiens. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, on ne sait toujours pas qui sont les véritables commanditaires de cet acte barbare. Les soupçons se portent sur le fameux ‘système’ tant décrié par Jovenel Moïse, mais difficile de mettre un nom ou un visage sur les personnes qui le contrôlent. Tout au plus, nous savons qu’il s’agit de richissimes hommes d’affaires qui ont le bras long et qui arrivent, grâce à leur argent, à soudoyer les politiciens pour continuer de piller le pays à leur guise.

De temps en temps, les médias relatent l’arrestation d’un exécutant par-ci, d’un soi-disant commanditaire par-là… Dernièrement, c’est un certain Gérald Nicolas, 51 ans, qui a été inculpé par la justice canadienne pour avoir préparé un coup d’État à l’époque où Jovenel Moïse était encore en vie. Les résultats de l’enquête écartent pour l’instant l’implication de cet homme dans l’assassinat de Moïse. Mais peut-être a-t-il lui aussi été manipulé par les gens du ‘système’ justement pour brouiller les pistes et rendre la tâche encore plus difficile aux enquêteurs. Ce qui est sûr, c’est que depuis la disparition de l’ancien Président, notre pays vit dans un chaos sans précédent. D’où la question que beaucoup se posent : Haïti aurait été mieux si Jovenel Moïse était encore en vie?

Revenons un peu en arrière. Lorsque Moïse était à la tête de notre pays, il faisait l’objet de vives critiques. On l’accusait de vouloir monopoliser le pouvoir, d’écarter l’opposition et la classe politique des décisions importantes, de ne pas écouter la société civile, ou encore de ne gouverner que par décrets, ce qui ressemble à une sorte d’autoritarisme déguisé. Aussi, on lui a souvent reproché d’avoir trop tardé à organiser des élections, alors que le parlement restait désespérément vide depuis que les députés et les sénateurs ont été mis en congé forcé.

D’un autre côté, Jovenel Moïse ne cessait de critiquer ce fameux ‘système’ qui serait responsable, selon lui, de tous les maux dont souffre notre pays. D’après plusieurs proches du Président, ce dernier aurait même établi une liste sur laquelle figuraient les noms des personnes les plus influentes de ce fameux système. Et ça serait cette liste que les mercenaires seraient venus chercher lors de la meurtrière attaque survenue la nuit du 7 juillet 2021. Autant dire que Jovenel Moïse était arrivé à un point où il avait des ennemis un peu partout. D’un côté le peuple haïtien qui l’accusait de ne pas tenir ses promesses électorales, et de l’autre, les gens du système qui avaient peur de perdre leurs privilèges. Même les grandes puissances commençaient à s’impatienter à cause du retard pris dans la mise en place des réformes politiques et économiques.

Cela étant dit, il est vrai que Jovenel Moïse connaissait mieux que quiconque les rouages du pouvoir, et savait donc sur quelle ficelle tirer pour continuer à diriger le pays. Et c’est d’une certaine façon cela qui permettait à Haïti de ne pas sombrer totalement dans le chaos. Certaines langues indiscrètes disent même que l’ex-Président avait établi des canaux de communications secrets avec les chefs de gangs influents comme Barbecue afin d’instaurer une sorte de ‘paix des braves’. En langage clair : vous continuez à vaquer à vos occupations criminelles, et vous me laissez diriger le pays à ma guise. Autant dire que pour maintenir la stabilité de la nation, Jovenel Moïse a dû jouer avec le feu. Mais au final, il a fini par se brûler.

Aujourd’hui, beaucoup estiment que Jovenel Moïse est le dernier Président d’une époque révolue. Ariel Henry, qui se proclame comme l’héritier légitime, a du mal à imposer son pouvoir. Ce qui indique clairement que nous sommes en train d’assister à la fin d’une époque. La classe politique dans son ensemble n’arrive plus à reprendre le pouvoir, car le peuple estime que les dirigeants actuels ne disposent d’aucune légitimité, et encore moins des compétences nécessaires pour gouverner notre pays. D’où le vide actuel que nous traversons : aucun parlement, aucun gouvernement digne de ce nom, pas d’administration centrale, pas de justice. Bref, l’État haïtien est en faillite!

La majorité des politiciens ont pris la peine d’envoyer leurs familles à l’abri à l’étranger pour vivre paisiblement grâce à l’argent volé aux Haïtiens. Les Haïtiens peuvent faire une croix sur les milliards de PetroCaribe détournés et qui servent aujourd’hui à payer une retraite dorée à tous ces voyous qui nous ont gouvernés durant tant d’années. Vivement que les Haïtiens arrivent à reprendre leur destin en main et ne soient plus pris en otage par une classe dirigeante corrompue et incapable. Mais d’ici là, il va falloir assainir le pays et le débarrasser de tous ces gangs qui veulent remplacer le gouvernement central par la force. Les Haïtiens doivent maintenant choisir entre la peste et le choléra. Un choix dont ils se seraient bien passés.

Stéphane Boudin

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