Le Fonds Monétaire International (FMI) vient de publier un nouveau rapport où il classe les pays du continent américain selon l’évolution de leur produit intérieur brut, celui-ci ayant un impact direct sur l’indice de la pauvreté. Si en haut du tableau, il n’y a pas de changements notables, en bas du tableau par contre, Haïti vient d’être déclassé par le Venezuela comme le plus mauvais élève. Bien entendu, il n’y a pas lieu de se réjouir du malheur des autres, mais l’exemple vénézuélien est un cas d’école qui montre comment la mal gouvernance peut ruiner un pays même s’il dispose de richesses infinies.

Le Chavisme, une idéologie utopique vouée à l’échec

Tout comme Haïti, le Venezuela avait tout pour être un vrai petit paradis sur terre. Ses richesses naturelles gigantesques devaient à elles seules permettre aux Vénézuéliens, qui sont plus de 28 millions aujourd’hui, de vivre dans un certain confort. Première réserve prouvée de pétrole au monde, le Venezuela dispose également d’une faune et d’une flore exceptionnelles, avec en plus des plages de rêve qui peuvent facilement attirer des millions de touristes chaque année. Mais tous ces atouts ont malheureusement été gâchés par des années de mal-gouvernance. Avant même l’arrivée du Chavisme, le Venezuela était livré à lui-même, pillé par une classe dirigeante opportuniste qui a vendu les richesses du pays aux multinationales. Ce néolibéralisme sauvage a créé une véritable fracture sociale qui ne s’est jamais résorbée depuis.

En 1999, Chavez arrive au pouvoir avec un nouveau projet pour le pays : meilleure redistribution des richesses, nationalisation des grandes compagnies et lutte contre la corruption. Le Venezuela allait donc amorcer un virage à 180 degrés et plonger tout droit dans une sorte de marxisme néo-communiste à la sauce latino. Malgré les espoirs suscités au début, notamment chez les classes défavorisées, le Chavisme allait vite montrer ses limites. Imposer une économie socialiste dans un monde libéral, c’est nager à contre-courant de l’évolution du monde. Même les Chinois et les Russes, qui ont pourtant le socialisme dans le sang, ont eu la clairvoyance de ne pas enfermer leurs économies dans des pratiques communistes dépassées.

Aujourd’hui, Maduro, l’héritier de Chavez, continue contre vents et marées à prôner la politique destructrice de son père spirituel. Mais ses discours populistes contre l’impérialisme américain qui serait la cause de la paupérisation du pays ne font plus recette. L’inflation l’année dernière était de 2355% et elle pourrait atteindre 5500% cette année. Et la baisse des cours de pétrole ces dernières années n’a pas arrangé les choses. Aujourd’hui, le Venezuela est un état en faillite. Les gens n’ont pas de quoi manger ou se soigner. À tel point que beaucoup de Vénézuéliens quittent leur pays, alors qu’il y a peu de temps, le Venezuela était une terre d’immigration.

Pourquoi Haïti n’arrive pas à faire diminuer la pauvreté?

L’exemple vénézuélien devrait faire réfléchir nos dirigeants qui font plus ou moins les mêmes erreurs. Haïti est plongé depuis de nombreuses années dans la pauvreté principalement à cause de sa classe dirigeante totalement déconnectée de la réalité et qui ne pense qu’à ses propres intérêts. Si au cours de son histoire moderne, Haïti avait eu un dirigeant qui aimait vraiment son pays, ça se saurait. Il aurait eu le soutien inconditionnel de la population qui aurait alors tout fait pour le garder au pouvoir. Mais aujourd’hui, nous assistons à l’inverse. Les Haïtiens sont fatigués par ces politiciens qui n’ont pour seul objectif que d’assouvir leurs intérêts personnels.

Jovenel Moïse n’est pas le premier du genre, mais plutôt la continuation d’une longue lignée de politiciens cupides qui n’ont aucun réel projet viable pour le développement du pays. Non encadrée et livrée à elle-même, il est normal que la population haïtienne soit exposée depuis tant d’années à la précarité. Aujourd’hui, on estime que presque 60% des Haïtiens vivent sous le seuil de pauvreté. Pire, près d’un haïtien sur quatre vit dans une situation d’extrême pauvreté. Et le ralentissement économique de ces dernières années combiné au déficit budgétaire n’a fait que renforcer les inégalités.

Et nous ne parlons pas ici des services de base comme l’accès à l’eau, à l’électricité, aux soins de santé et à l’éducation qui restent loin des standards internationaux. Ainsi, selon la Banque mondiale, seulement 46% des Haïtiens avaient accès à l’électricité en 2018. Ce qui veut dire que presque la moitié des Haïtiens vivent dans le noir. Comment donc espérer sortir de la spirale de la pauvreté lorsque l’État n’est même pas capable d’offrir le minimum vital pour vivre dignement? Aujourd’hui, notre pays est dépendant des acteurs non gouvernementaux qui essaient tant bien que mal de soulager la population. Car il faut bien le dire, les dépenses publiques dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de la protection sociale restent limitées et inefficaces.

Quels exemples Haïti devraient suivre pour réduire la pauvreté?

Il n’y a pas de miracle. Pour sortir Haïti de la misère, il faut un changement de cap radical. Cela passe par l’instauration d’une démocratie représentative qui soit stable et transparente, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il est également temps de renforcer nos institutions publiques et notre gouvernance afin qu’elles jouent un rôle de catalyseur qui puisse tirer le pays vers le haut. C’est à l’État qu’incombe la responsabilité de relancer l’économie et de ramener le calme dans les rues après des années de violences. C’est aussi à l’État de tout faire pour protéger les populations vulnérables contre les risques naturels, Haïti étant connu pour être exposé aux cyclones et aux tremblements de terre entre autres.

Ceux qui disent que le défi est trop grand pour être relevé doivent se tourner vers l’histoire qui a prouvé que rien n’est impossible. Prenons le cas des 4 dragons asiatiques, à savoir Taiwan, la Corée du Sud, Singapour et Hong Kong. Au milieu du siècle dernier, juste après la Seconde Guerre mondiale, ces nations vivaient dans une extrême pauvreté. Peu auraient misé sur leur reconnaissance. La Corée du Sud est ainsi passée du statut d’un pays agraire et sous-développé en 1960 à celui de pays industrialisé avec une des économies les plus dynamiques au monde. Si le pays du matin calme est arrivé à ce niveau, ce n’est pas par hasard. Le gouvernement, autoritaire à l’époque, avait la volonté de faire avancer le pays et de le sortir de la pauvreté. Tout a été fait pour que la population soit intégrée dans ce projet de développement. Au final, la Corée du Sud, qui ne dispose ni de pétrole ni de minerais, exporte chaque année des millions de voitures, de téléviseurs et de téléphones partout à travers le monde. Aujourd’hui, le PIB de la Corée du Sud est 4 fois supérieur à celui du Venezuela. Un bel exemple de politique volontariste et de réussite.

En Haïti, de tous les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays, aucun n’a proposé un véritable plan de développement qui soit viable à long terme. Nos dirigeants continuent à voir par le petit bout de la lorgnette et ne veulent prendre aucun risque qui mettrait leur poste en péril. Comment dès lors espérer avancer avec tant de frilosité? Comment Haïti peut combattre la pauvreté si nos dirigeants font tout pour maintenir un statuquo qui les arrange? Jovenel Moïse a tout misé sur un changement de la constitution pour insuffler un nouveau départ au pays, alors que ses détracteurs pensent plutôt que toutes les conditions sont réunies pour un nouveau.. faux départ! Nous saurons dans un avenir proche qui a raison.

D. Ferdinand / LE FLORIDIEN, 15 Avril 2021

 

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