La religion en Haïti a toujours été omniprésente. Les Haïtiens sont connus pour être particulièrement croyants. Si l’influence coloniale française nous a légué le catholicisme qui est devenu la religion prédominante dans notre pays, le protestantisme occupe également une place importante, suivi par le syncrétisme (vaudou). Dernièrement, les Haïtiens se sont réfugiés dans la religion pour échapper aux horreurs du quotidien. Sauf que certains prêtres véreux en ont profité pour en faire un business lucratif.

État des lieux des religions en Haïti

Les Haïtiens ont toujours eu un lien très fort avec Dieu. Pour preuve, l’accueil chaleureux et sincère des haïtiens envers le saint-père Jean-Paul II qui avait effectué une visite mémorable en 1983. Cette année-là, le pape avait ‘osé’ critiquer, sans langue de bois, la dictature sanguinaire du régime Duvalier. Beaucoup estiment que cette visite a été le déclencheur du début de la fin de Baby Doc qui s’est retiré du pouvoir en 1986.

L’ensemble du territoire national est quadrillé par des églises qui sont présentes dans toutes les agglomérations, qu’elles soient petites ou grandes. On dénombre ainsi dans notre pays pas moins de 10 diocèses et 251 paroisses. Ces dernières jouent souvent des rôles pivot lorsqu’il s’agit de relayer des aides humanitaires, contribuer à lutter contre la pauvreté et soutenir les populations lors des moments difficiles. Malheureusement, et à l’instar des autres bâtiments publics, de nombreuses églises furent détruites après les tremblements de terre successifs qui ont endeuillé notre pays. Heureusement, les églises peuvent compter sur de nombreux donateurs, nationaux comme étrangers, pour rebâtir de nouveaux lieux de culte.

L’église protestante n’est pas en reste et occupe elle aussi une place importante au sein de la société haïtienne, puisque un tiers des haïtiens disent appartenir à cette confession, alors que plus de 50% se disent catholiques. D’ailleurs, le culte protestant connaît une forte croissance ces dernières années, boosté par la présence de nombreux missionnaires étrangers, notamment américains, qui viennent convertir en masse les populations locales.

Enfin, vient le vaudou, une religion emblématique de notre pays, surtout sur la scène internationale. Ceci à cause de ses pratiques atypiques qui ont toujours intrigué, voire fasciné. En effet, la tradition vaudou est une sorte de mélange entre les religions africaines et européennes. Un métissage spirituel qui continue à être pratiqué dans certaines régions de notre pays, notamment les régions rurales.

La religion, un business comme un autre

Dernièrement, on voit émerger en Haïti un phénomène très en vogue dans certains pays catholiques comme le Brésil, celui du Business Religieux. Il s’agit ici de pseudo-paroisses qui profitent de la crédulité des citoyens pour leur promettre la grâce de Dieu contre de l’argent. Plus une personne est dans le désespoir, plus elle aura tendance à mettre la main à la poche pour s’attirer la miséricorde du seigneur.

Devenus spécialistes dans le charlatanisme, ces religieux d’un nouveau genre commencent à croître dans notre pays. Les autorités, où tout du moins ce qu’il en reste, n’ont plus les moyens d’arrêter qui que ce soit. C’est donc le rôle des médias de sensibiliser les citoyens afin qu’ils ne tombent pas dans le piège qui pourrait vite se refermer sur eux durant leurs moments de faiblesses.

On pourrait citer par exemple cet homme qui s’est un beau jour autoproclamé prophète, rien que ça! Ayant le verbe facile et un certain charisme, il réussit à berner des dizaines de ‘fidèles’ qui l’écoutent religieusement et lui obéissent sans se poser de questions. Il faut dire que l’homme est devenu maître dans l’art de la manipulation. À tel point que lorsqu’il a été convoqué par le parquet pour s’expliquer, il a été défendu par de nombreux fidèles qui sont venus témoigner des miracles de leur bien-aimé prophète. Celui-ci aurait ainsi permis la guérison de nombreuses maladies graves comme le Sida. Pour concocter son remède magique, il utilise du gingembre moulu qu’il mélange avec du dentifrice Colgate, de l’aloe vera et un peu de soufre qu’il récupère sur la tête des allumettes. Pour encore plus d’efficacité, il peut même rajouter des punaises de lit et un peu de sel. La communauté scientifique n’a qu’à bien se tenir!

Malheureusement, ce genre d’aberrations religieuses sont susceptibles d’augmenter au cours de prochaines années, notamment à cause de la pauvreté et de la misère qui fait des ravages au sein d’une population qui n’a plus aucune sortie de secours, surtout lorsqu’un membre de la famille tombe gravement malade et ne peut s’offrir des soins adéquats.

La liberté de culte protège notre pays du confessionnalisme

Haïti a atteint un tel point de désordre, de chaos d’anarchie qu’on passe plus de temps à critiquer la situation dans notre pays qu’à parler des choses positives. Pourtant, il en existe. Sur le plan religieux, on peut se targuer d’être en avance sur de nombreux pays grâce à notre tolérance, que ce soit d’un point de vue sociétal ou constitutionnel.

En effet, la constitution de notre pays protège la liberté de culte. Cela étant, la religion catholique bénéficie d’un certain traitement de faveur étant donné que c’est la religion qu’on pourrait qualifier d’historique dans notre pays, avec le soutien et la bénédiction du Saint-Siège qui y trouve lui aussi son compte.

Afin de cadrer les groupes religieux et éviter les dérapages, le gouvernement les encourage à venir s’enregistrer. De la sorte, les mariages et baptêmes pourront être officiellement reconnus. Cela étant, le vaudou reste exclu de cet accord, ce qui veut dire que les mariages célébrés sous l’office de cette religion sont caducs. Mais ces dernières années, un dialogue a été initié pour régler ce problème.

Toujours est-il que la religion tient une place centrale au sein de la société haïtienne. Alors que dans plusieurs pays, les conflits confessionnels sont légion (Ex: en Irlande du Nord), chez nous, les différents courants religieux vivent en harmonie et dans le respect. Avec tous les problèmes que nous connaissons, notre pays ne pouvait se permettre d’en rajouter un nouveau. Il n’est pas rare de voir différentes religions au sein d’une même famille. Le papa est protestant par exemple, la maman catholique, et les enfants gardent la liberté de choisir la religion qui leur convient le mieux à leur majorité.

On peut dire que sur le point religieux, notre pays a trouvé un bon équilibre dont pourraient s’inspirer d’autres nations comme le Liban en proie à de perpétuelles tensions confessionnelles, ou même la France qui a du mal à appliquer la laïcité sous le régime de la Vème République.

Croisons les doigts et souhaitons à ce qu’Haïti continue sur cette voie de tolérance et de respect pour les différentes religions. Amen!

Stéphane Boudin
Le Floridien, 15 juillet 2022

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