MIAMI — Ce qui ne devait être qu’une simple formalité s’est transformé en cirque politique. La séance de ratification de la politique générale du Premier ministre nommé Fritz-William Michel n’a jamais pu se tenir en temps et lieu. En cause, un groupuscule de casseurs appartenant à l’opposition qui ont voulu montrer leur désaccord avec cette nomination à leur manière. Chaises qui volent, mobilier du Sénat cassé, bousculades, la démocratie haïtienne a pris un sacré coup en ce mercredi 11 septembre. Là où dans d’autres pays, la confrontation se fait par les idées, en Haïti, le coup de poing reste le seul moyen d’expression pour se faire entendre.

Fritz-William Michel doit commencer à trouver le temps long, lui qui a été nommé en juillet déjà par le Président Jovenel comme futur Premier ministre, mais qui n’arrive toujours pas à passer le cap de l’approbation sénatoriale. Mais que Fritz William se rassure, puisque son prédécesseur a dû s’y prendre par 3 fois avant de pouvoir présenter sa politique générale. C’est donc un premier rendez-vous raté pour Fritz William Michel avec le Sénat, alors qu’il espérait pouvoir enfin franchir cette étape primordiale pour pouvoir gérer les affaires urgentes du pays.

Espérons qu’on n’est pas en train d’assister à l’instauration d’une tradition politique où chaque nouveau Chef de gouvernement devra passer par un chemin de croix avant de pouvoir exercer ses fonctions. Cela ne va que paralyser encore plus le pays et accentuer son instabilité, alors que nous avons besoin plutôt du contraire. Le temps presse et la population est fatiguée par ces chamailleries sans fin.

La séance prévue le 11 septembre dernier n’a finalement pas pu avoir lieu. Fritz William Michel a attendu des heures durant dans le salon diplomatique, sous la protection rapprochée des forces de l’ordre, sans pouvoir mettre les pieds dans la salle de séance. La cause du retard est à imputer à un groupuscule d’une dizaine de militants armés et qui sont venus manifester leur désapprobation. Le Président de l’Assemblée lui n’a jamais pu contrôler la situation et semblait démuni face à ce déferlement inattendu de violence. Des sénateurs accompagnés de perturbateurs ont passé toute la journée, l’après-midi, voire la soirée, à casser tout ce qui pouvait l’être. Même si les autres élus présents sur place n’ont à aucun moment senti une menace pour leur intégrité physique, l’ambiance électrique pouvait exploser à n’importe quel moment et faisait craindre le pire.
Comble de l’insulte à notre démocratie, les fauteurs de troubles ont simulé une séance plénière du Sénat afin de tourner en dérision cette institution censée représenter le peuple haïtien. Certains ont même cru voir ¨bal douz¨ (de son vrai nom Jean Dimens), un chef de gang connu du côté de La Saline. La police quant à elle ne pouvait réagir, estimant que le ver était déjà entré dans le fruit. En effet, les casseurs ont été introduits insidieusement par des sénateurs de l’opposition qui cherchaient à saboter la présentation de Fritz William par tous les moyens. Vers 11hPM, le PM a du rentrer chez lui bredouille avec ses ministres. La séance a été reportée sin die.

La Justice compte sévir contre ces actes déshonorants

Le comportement puéril et immature de nos politiciens est tout bonnement intolérable. Aujourd’hui, Haïti se retrouve avec un gouvernement provisoire qui gère les affaires courantes et qui n’a jamais véritablement pu entrer en fonction depuis sa nomination, puisque Lapin est considéré comme un Premier ministre intérimaire et non comme un Premier ministre à plein temps. Le parlement lui est parti en vacances jusqu’à la fin de l’année et semble ne pas se préoccuper plus que ça de l’urgence de la situation qui impose une présence de tous les intervenants politiques, toutes tendances confondues.

Le chaos qui règne dans nos rues gagne progressivement du terrain et s’invite même dans l’Assemblée nationale. Si les forces de l’ordre n’arrivent même plus à assurer une sécurité minimale au Sénat, pas étonnant qu’elles aient du mal à faire appliquer la loi dans les quartiers en proie aux violences quotidiennes. Plus le temps passe, plus le pays semble être hors de contrôle. Les événements du 11 septembre viennent aussi nous rappeler qu’il y’a une justice sociétale qui finit tôt ou tard par s’abattre sur les pourfendeurs du bien-être de notre nation. La classe politique ayant abandonné la population à son sort depuis fort longtemps, aujourd’hui, elle récolte ce qu’elle a semé. On est malheureusement rentrés dans un cercle vicieux où le mal se nourrit par le mal.

La justice, ou ce qu’il en reste, essaie tant bien que mal de faire entendre sa voix dans les méandres de ce désordre sans fin. Le ministère de la Justice et de la Sécurité publique a ainsi décidé, non sans avoir au préalable condamné l’attaque du Sénat, de poursuivre les fauteurs de troubles qui ont empêché la tenue de la séance de ratification du programme du futur Premier ministre. Les trublions auxquels le ministère fait référence sont connus et ne se cachent même pas. Nessel Cassy, Evalière Beauplan, Youri Latortue et compagnie sont les initiateurs de ce mouvement de désobéissance civile. Nous verrons si le ministère va joindre les paroles aux actes et sanctionner comme il se doit ceux qui ne respectent pas la loi.

Comment sortir de la paralysie politique qui bloque le pays ?

S’il y’en a un qui ne semble nullement affecté par les troubles qui secouent le pays, c’est bien le Président Jovenel Moïse. Son silence laisse à croire qu’il est encore en vacances. Voilà donc un Président qui est capable du meilleur comme du pire, même si récemment, c’est surtout au pire qu’il est le meilleur. L’énergie qu’il dépense pour s’accrocher au pouvoir coûte que coûte l’empêche de s’investir totalement dans la recherche de solutions pour sortir Haïti de sa léthargie.

Le fait que nos élus ne respectent pas les lois qu’ils ont eux-mêmes votées est un signe flagrant de la fêlure du pacte républicain. Le pays nécessite des réformes profondes et non pas des mesures superficielles qui s’attaquent à des questions anecdotiques. L’espace de réflexion au sein de notre classe politique est stérile et très ténu. Nos dirigeants vivent à un niveau stratosphérique complètement décalé de la réalité. La société civile doit plus que jamais prendre son destin en main et s’affranchir du joug d’un pouvoir qui ne cherche qu’à défendre ses propres intérêts. Car il est aujourd’hui clair que les manœuvres dilatoires de ceux qui ont le pouvoir nuisent à Haïti et l’enfoncent dans une des crises les plus marquantes de son histoire.

DF/Le Floridien, 15 Septembre 2019

 

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