Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Cette maxime vaut plus que jamais pour Haïti et ses habitants qui souffrent le martyre depuis de nombreuses années et qui n’ont plus que l’espoir pour survivre. La diaspora haïtienne en est bien consciente et ne compte pas rester les bras croisés à regarder son pays d’origine sombrer dans l’abîme. Depuis quelque temps, les personnalités influentes des Haïtiens de l’étranger, notamment ceux résidents en Floride, se démènent pour remettre Haïti au cœur de l’actualité. Car il faut bien le dire, sauf lorsqu’il y a un tremblement de terre ou un ouragan qui balaie notre pays, les médias du monde ne se préoccupent guère de la catastrophe humanitaire permanente que vivent les Haïtiens au quotidien.

Déjà lors des dernières élections présidentielles qui ont vu la victoire de Biden, la diaspora a fait passer les problématiques en Haïti avant ses propres préoccupations. Cette empathie patriote combinée à l’attachement inaliénable à la mère patrie a forcé l’admiration des autres communautés et la reconnaissance des Haïtiens restés au pays (on parle bien du peuple haïtien et non pas de ses dirigeants qui ont leurs propres intérêts et un agenda distinct). Avec l’arrivée de Biden au pouvoir, la diaspora pensait avoir trouvé un interlocuteur plus réceptif. Malheureusement, leurs espoirs furent vite déçus avec un Biden qui s’est montré parfois encore plus rude que son prédécesseur, notamment sur le plan migratoire. Ce désenchantement a eu au moins le mérite de secouer la diaspora haïtienne qui a compris que la solution ne pouvait venir que des Haïtiens eux-mêmes, et qu’il ne fallait pas compter sur une aide extérieure, quelle qu’elle soit.

C’est ainsi qu’a germé l’idée d’organiser un sommet qui regrouperait les différentes tendances politiques du pays. Le sommet en question allait avoir lieu à Baton Rouge en Louisiane, plus précisément au Southern University Law Center. Le choix d’un tel lieu n’est pas anodin. Les organisateurs voulaient en effet s’éloigner autant que possible des influences toxiques de la classe politique haïtienne et de ses réseaux tentaculaires qui débordent des frontières. Même la Floride est considérée comme trop proche de l’écosystème politique haïtien assez délétère, où les fomentateurs de zizanie sont légion et cherchent la moindre occasion pour diviser.

Le Sommet de l’Unité d’Haïti, c’est ainsi que ses organisateurs l’ont nommé, a donc pu avoir lieu sous la supervision du lieutenant-général américain à la retraite Russel Honoré. Ce dernier bénéficie d’une bonne image auprès des Haïtiens de tous bords, mais surtout, et c’est le plus important, il intervient avec une totale neutralité, chose particulièrement importante lorsqu’on veut créer un climat de négociations qui soit serein et constructif.

Au bout de plusieurs journées de tractations, les délégués ont convenu de nommer Fritz Jean, ancien Premier ministre par intérim (26 février – 28 mars 2016), comme nouveau Président par intérim d’Haïti. Pour le seconder, Mariam Fetiore a été choisie en tant que Premier ministre par intérim. Coïncidence ou pas, cette ‘nomination’ intervient à un moment où le nouvel homme fort du pays, Ariel Henry, est de plus en plus pointé du doigt pour ses liens présumés avec des hommes impliqués dans l’assassinat du Président Jovenel Moïse.

Bien entendu, le gouvernement haïtien ne voit pas ces initiatives de la diaspora d’un bon œil et considère le Sommet de l’Unité d’Haïti comme une farce. Maintenant qu’Ariel Henry a pris goût au pouvoir, il sera très difficile de l’en déloger, et ce d’autant plus qu’il se considère comme l’homme de la situation, celui par qui tout doit passer, notamment l’organisation des prochaines élections présidentielles et législatives. Or, tout le monde sait que le gouvernement actuel n’a pas les moyens d’organiser des élections libres et transparentes à court ou moyen terme, alors que plus de la moitié du pays est contrôlée par des gangs qui ont remplacé l’État et instaurent leurs propres lois.

Qu’adviendra-t-il donc des accords de Bâton Rouge? Seront-ils jetés aux oubliettes? Pas si sûr. En effet, Russel Honoré s’est montré optimiste en indiquant que le Département d’État américain ainsi que les Nations Unies ont suivi avec un œil attentif l’évolution des discussions au cours de ce sommet. Sachant que la classe politique haïtienne est soit influencée par les gangs, soit par les poids lourds du ‘système’ constitué entre autres par des hommes d’affaires influents, peut-être est-il temps d’envisager une solution qui vienne de l’extérieur, c’est-à-dire de la diaspora? Cette dernière soutient déjà Haïti sur le plan économique plus que quiconque, envoyant pas moins de 3 milliards de dollars par année. Elle a donc toute la légitimité pour s’impliquer davantage en Haïti sur le plan politique et apporter un vent de fraîcheur et de transparence dont notre pays a bien besoin. Les Haïtiens sont fatigués par les querelles intestines qui plombent notre nation et paralysent ses institutions. Les Haïtiens de l’étranger ont acquis un savoir-faire certain en ce qui concerne la bonne gouvernance et le respect des règles de base de la démocratie. Peut-être est-il temps pour eux de prendre les rênes de notre pays qui doit être nettoyé des politiciens véreux qui sont à l’origine du désastre que nous vivons aujourd’hui.

Stéphane Boudin

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Contact Us

error: