Il fût un temps où la popularité de Michel Martelly, alias Sweet Micky, était au zénith. Adulé, apprécié pour sa musique, sa rhétorique et son charisme, il avait même réussi à se hisser à la tête de notre pays entre 2011 et 2016. Se décrivant comme un fervent catholique, l’homme semblait inoxydable, intouchable. Et c’est justement ce sentiment de tout puissant qui va précipiter sa perte. Aujourd’hui, il vagabonde d’un concert à un autre sans pouvoir y accéder, pourchassé par une diaspora qui lui en veut de dénigrer les haïtiens, surtout les femmes haïtiennes qui ne méritent pas d’être traitées de la sorte par un homme qui était de surcroît Président de la République.
Mais retournant aux origines de cet homme clivant qui avait tout pour réussir, mais qui a fini par tout gâcher. Martelly est né avoir une cuillère d’argent dans la bouche comme on dit, puisqu’il est issu d’une famille bourgeoise. Dès son plus jeune âge, Martelly affiche son irresponsabilité et sa frivolité en engrossant la filleule d’un général (selon ses propres déclarations), ce qui lui vaudra l’exclusion de l’Académie militaire qu’il venait d’intégrer. S’en suivra de nombreuses liaisons avec des femmes, finissant par en marier certaines.
Mais c’est dans le monde du Kompa que Sweet Micky va connaître ses heures de gloire, une carrière qu’il va commencer très tôt, à la fin de règne du dictateur Baby Doc. Copinant avec les puissants du pays à travers sa boîte Le Garage qui faisait le bonheur de la haute société haïtienne, Martelly va patiemment tisser ses relations, jusqu’à devenir Président de la République le 14 mai 2011. À partir de ce moment-là, Martelly va prendre la pente descendante.
Tout d’abord en tant que Chef d’État, l’homme va décevoir les haïtiens qui ne verront pas leurs conditions de vie d’améliorer sous sa présidence. Pire, l’affairisme et les détournements vont s’accélérer, les richesses du pays allant dans les poches de quelques privilégiés. Ensuite, l’homme sera à l’origine de plusieurs polémiques et dérapages, notamment en se prenant à la journaliste Liliane Pierre-Paul, une femme respectable et respectée qui a remporté de nombreux prix pour son courage et son engagement pour des causes justes, notamment la liberté d’expression.
En s’attaquant à Liliane et à la femme haïtienne en général, notamment avec le morceau scandaleux ‘bal bannan nan’, Martelly a commis une grande erreur dont il ne se remettra jamais. Sweet Micky (Micky aigre), qu’on devrait plutôt renommer Sour Micky, a sous-estimé la force et le courage de la femme haïtienne. Il pensait que cette dernière pouvait encaisser des insultes gratuites sans réagir et défendre ses droits, oubliant que c’est sur les épaules de la femme haïtienne que Haïti tient encore debout, que c’est la maman haïtienne qui nourrit et couve la famille haïtienne de son amour, que c’est l’intégrité et le civisme de la femme haïtienne qui a fait que notre pays ne sombre pas définitivement dans l’abîme.
Pourtant, Martelly a aussi une maman (Marie Madeleine Martelly, décédée en octobre 2016), il a aussi une fille. Aimerait-il qu’elles soient traitées de la façon dont il traite les femmes? Qu’elles soient insultées et moquées à travers des chansons? Certainement pas! Alors, pourquoi faire aux autres ce que tu n’aimeras pas qu’on te fasse, Mr Martelly?
Si d’aucuns avaient encore un doute sur la combativité de la femme haïtienne, les dernières exclusions de Sweet Micky de différents concerts à travers le monde viennent confirmer qu’il ne faut surtout pas venir chatouiller l’honneur de la femme haïtienne. Le chanteur et ex-Président en sait quelque chose puisqu’il continue à payer l’addition salée.
Aux quatre coins du monde, les haïtiennes ont fait front pour empêcher Martelly de monter sur scène. Une telle solidarité, un tel élan force l’admiration et le respect. En 2019 déjà, à Montréal, Sweet Micky a eu un avant-goût en voyant sa prestation annulée. C’est la mobilisation de la diaspora locale et la pression exercée sur les autorités canadiennes qui ont conduit à l’annulation de son spectacle.
Martelly a alors fait profil bas durant le Covid, espérant se faire oublier pour mieux revenir. Mais la femme haïtienne a bonne mémoire. Ainsi, cette année, alors qu’il espérait entrer par la fenêtre lors du festival de musique Little Haïti à Miami, il s’est fait à nouveau reconduire, la police arguant cette fois de potentiels problèmes de sécurité.
L’artiste s’est alors dit qu’en traversant l’Atlantique, peut-être que les choses se passeraient mieux. Ils posent alors ses valises à Sarcelles, pas loin de la capitale française, pour se refaire. Là encore, la diaspora a dit ‘niet’. Tant qu’on est là, Martelly ne passera pas. Unie comme un seul homme, les haïtiens de l’étranger ont lancé un message clair à Martelly, mais aussi à tous ces politiciens véreux qui pensent qu’ils peuvent couler des jours paisibles à l’extérieur du pays. Désormais, avec les réseaux sociaux et une information qui circule à la vitesse de la lumière, il n’est plus possible de se cacher nulle part.
Ainsi, les propos misogynes et infamants de Sweet Micky le hantent et le poursuivre partout où il va. Plutôt que de s’entêter à d’essayer de monter à tout prix sur scène, Martelly devrait faire les choses dans l’ordre et commencer par présenter des excuses sincères pour les propos choquants qu’il a formulés. Autrement, il peut déjà faire une croix sur sa carrière d’artiste, et ce n’est certainement pas les femmes haïtiennes qui vont le regretter.
Stéphane Boudin