Addis-Abeba (Le Floridien) — Lors du 38e sommet ordinaire de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba le samedi 15 février 2025, le président kenyan William Ruto a appelé l’organisation continentale à reconnaître officiellement Haïti comme la sixième région de l’Afrique. Cette proposition, qui s’inscrit dans un contexte de solidarité historique entre l’Afrique et la première république noire indépendante, vise à ancrer durablement le soutien africain à la stabilisation du pays caribéen.
Dans une déclaration relayée par le porte-parole de la présidence kenyane, Hussein Mohammed, Ruto a insisté sur l’adoption d’un projet de déclaration de solidarité de l’UA avec Haïti. Le premier citoyen de la nation kenyane a exhorté les dirigeants africains à reconnaitre officiellement l’appartenance d’Haïti à la communauté africaine et à garantir un soutien soutenu à la mission de maintien de la paix dirigée par son pays.
L’intérêt du Kenya pour Haïti ne se limite pas à son rôle dans la mission multinationale de sécurité soutenue par l’ONU. Ruto a évoqué l’appartenance historique et culturelle d’Haïti à l’Afrique, insistant sur la nécessité de renforcer les liens entre le continent et la diaspora. Haïti, issue d’une révolution menée par des esclaves africains contre la France en 1804, partage une mémoire et une culture communes avec l’Afrique, notamment à travers sa langue créole, ses pratiques religieuses et sa musique.
Un appui renforcé à la mission de sécurisation d’Haïti
Le président kenyan a lié cette reconnaissance à la nécessité d’une transition vers une mission de paix placée sous l’égide des Nations unies. « L’adoption de ce projet de déclaration permettrait de consacrer officiellement le statut d’Haïti en tant que sixième région de l’Afrique et d’assurer un appui constant à la mission de stabilisation, y compris en plaidant pour sa transformation en opération de maintien de la paix de l’ONU », a-t-il indiqué.
Depuis juin 2024, le Kenya a déployé un contingent de plus de 600 officiers en Haïti dans le cadre de la mission de soutien multinational à la sécurité (MSS). Ce déploiement, comprenant notamment une unité d’élite féminine des forces spéciales (SWAT), s’inscrit dans un effort régional et international pour enrayer l’escalade de la violence des gangs qui ravage le pays.
L’Afrique abrite 1,369 milliard de personnes et est divisée en cinq sous-régions par les Nations Unies. Celles-ci incluent l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale, l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe.
L’Afrique du Nord est la plus vaste en termes de superficie, mais ne compte que cinq pays, tandis que l’Afrique australe est la plus petite et la moins peuplée, avec six nations. L’Afrique de l’Est est la plus peuplée, regroupant 18 pays, suivie de l’Afrique de l’Ouest avec 16 et de l’Afrique centrale avec 9.
Quels avantages pour Haïti et l’Afrique ?
L’adhésion d’Haïti à l’UA ouvrirait plusieurs perspectives :
- Soutien diplomatique et politique : Haïti bénéficierait d’un appui institutionnel africain pour peser davantage dans les débats internationaux.
- Coopération économique et commerciale : Un accès facilité aux marchés africains pourrait stimuler des échanges dans divers secteurs (agriculture, énergies renouvelables, tourisme).
- Renforcement des capacités : L’expertise africaine en matière de gouvernance et de développement pourrait être mise à profit pour appuyer la reconstruction institutionnelle haïtienne.
- Solidarité culturelle et identitaire : Ce rapprochement pourrait permettre un échange mutuel sur la préservation des cultures d’origine africaine en Haïti et dans la diaspora.
Des réformes institutionnelles au cœur du plaidoyer
Dans son rapport soumis aux dirigeants de l’UA, Ruto a également proposé la création d’un comité de surveillance des chefs d’État et l’opérationnalisation de la Cour africaine de justice. Il a déploré le blocage de cette instance judiciaire depuis 2009, appelant à finaliser ses modalités de fonctionnement et à allouer un budget adéquat. « La Cour africaine de justice constitue un pilier essentiel de notre architecture institutionnelle, mais son application reste suspendue. Il est urgent que cette Assemblée mandate la Commission de l’UA et le Comité des représentants permanents pour finaliser son opérationnalisation, avec des élections judiciaires prévues lors de la session ordinaire de juillet 2025 », a plaidé Ruto.
D’un autre côté, le président kenyan a appelé à une ratification rapide des amendements au protocole du Parlement panafricain (PAP), jugeant nécessaire de renforcer ses pouvoirs pour qu’il devienne une institution législative influente. « Seuls 15 États membres ont ratifié le protocole de Malabo, qui vise à accorder au PAP une reconnaissance et des compétences réelles. J’exhorte cette Assemblée à mobiliser un soutien politique pour accélérer ce processus », a-t-il ajouté.