Par Le Floridien
Jacmel, Haïti – 22 janvier 2025
Dans un contexte de crise sécuritaire persistante, le président colombien Gustavo Petro a effectué, ce mercredi 22 janvier, une visite officielle en Haïti, posant ainsi un jalon diplomatique déterminant dans les relations entre les deux nations. Ce déplacement, à forte portée symbolique et stratégique, s’inscrit dans une volonté affichée de renforcer la coopération bilatérale face aux défis sécuritaires, économiques et technologiques auxquels Haïti est confrontée.
Jacmel, un choix dicté par la sécurité et la logistique
Accueilli dans la ville côtière de Jacmel, à quelque 90 kilomètres au sud-est de Port-au-Prince, le chef d’État colombien a préféré contourner la capitale haïtienne, en proie à une montée en puissance des groupes armés. L’aéroport international Toussaint Louverture, menacé par l’insécurité, a ainsi cédé sa place aux infrastructures plus maîtrisées de Jacmel, spécialement rénovées pour l’occasion.
Près de 3,8 millions de dollars ont été investis par les autorités haïtiennes pour assurer le bon déroulement de cette visite. Les travaux ont inclus la restauration du réseau électrique, la rénovation de l’hôtel de ville et surtout l’allongement de la piste de l’aéroport afin d’accueillir les appareils militaires colombiens. Ce déploiement logistique illustre l’importance accordée par Haïti à cette rencontre diplomatique de premier plan.
Une coopération renforcée sur les enjeux clés
Lors d’un entretien avec Leslie Voltaire, président en exercice du Conseil présidentiel de transition, Gustavo Petro a réaffirmé l’engagement de la Colombie à épauler Haïti dans sa quête de stabilité et de développement. Les discussions ont notamment porté sur le renforcement de la sécurité, le développement agricole, ainsi que sur les avancées technologiques susceptibles d’accélérer la relance économique du pays.
Bien que les détails de la coopération en matière de sécurité n’aient pas été officiellement dévoilés, cette rencontre témoigne de la volonté des deux nations d’unir leurs efforts face aux défis communs, alors que la violence des gangs continue de plonger Haïti dans une spirale de chaos.
Un rappel historique et un devoir de mémoire
Au-delà des enjeux diplomatiques immédiats, cette visite s’est également inscrite dans une démarche hautement symbolique, ravivant les liens historiques entre Haïti et la Colombie. Haïti, premier État noir indépendant du monde, avait en effet joué un rôle clé dans le soutien aux mouvements d’indépendance sud-américains au XIXe siècle.
Dans son discours, le président colombien a rappelé le rôle historique d’Haïti dans les luttes pour l’indépendance de l’Amérique latine, soulignant l’oubli dont le pays a été victime après avoir soutenu la libération des peuples opprimés. Il a déclaré :
Caracas s’est levée pour rassembler et unir toute l’Amérique, criant avec force : « Liberté ou mort ! » Nous voici aujourd’hui. Il existe peut-être un autre monde maintenant, deux siècles après que les bateaux sont partis, transportant des Haïtiens, des Colombiens et des Vénézuéliens, prêts à se battre pour la liberté. En deux siècles, une histoire entière s’est écoulée. Haïti a été oublié. Les propriétaires d’esclaves français sont venus réclamer des indemnités, comme si les êtres humains étaient des propriétés privées. C’est ainsi qu’en Colombie, les esclavagistes prétendaient qu’ils devaient être indemnisés si les esclaves devenaient libres, car ces derniers représentaient pour eux une propriété privée. C’est dans ce contexte que Dessalines et Pétion furent trahis, car la promesse de libérer les esclaves noirs, arrachés de force à l’Afrique et amenés sur le territoire colombien, n’a pas été tenue.
📸 Crédit photo : Facebook Haïti Présidence
Le président Petro a ainsi tenu à visiter des lieux emblématiques de Jacmel, notamment la place Simón Bolívar, en hommage à l’illustre libérateur sud-américain qui trouva refuge et appui sur le sol haïtien avant de mener ses campagnes d’émancipation. Un geste fort, ancré dans une mémoire partagée, venant réaffirmer la fraternité entre les deux peuples.
Une situation critique sous le regard attentif de la communauté internationale
Alors que cette visite se déroulait, la situation en Haïti continuait d’inquiéter la communauté internationale. Le Conseil de sécurité des Nations Unies s’est récemment réuni afin d’examiner la crise haïtienne, plusieurs États appelant à un renforcement des mesures de lutte contre le trafic d’armes à destination des gangs sévissant sur l’île.
Dans ce cadre, le ministre haïtien des Affaires étrangères, Jean-Victor Harvel Jean-Baptiste, a plaidé pour la transformation de l’actuelle mission de sécurité multinationale en une véritable mission de maintien de la paix sous l’égide des Nations Unies. Un appel qui souligne l’urgence de moyens accrus et d’un engagement international plus soutenu pour stabiliser le pays.
Une visite courte, mais aux implications majeures
Si la visite de Gustavo Petro en Haïti fut brève, elle n’en demeure pas moins hautement stratégique. En consolidant le dialogue entre les deux nations, elle ouvre la voie à une coopération renforcée, aussi bien sur le plan sécuritaire qu’économique.
Reste à savoir si cette dynamique diplomatique se traduira, à moyen terme, par des avancées tangibles dans la lutte contre l’insécurité et le renforcement des capacités institutionnelles d’Haïti, alors que le pays continue de lutter pour sa stabilité et son avenir.
